Le grand soulèvement
de Mars 1793
Causes et début de
l'insurrection -
Introduction aux
guerres de Vendée
En
1793, la France
faisait front à
l'Europe, la Vendée
tenait tête à la
France. La France
était plus grande
que l'Europe ; la
Vendée était plus
grande que la
France.
Victor Hugo.
Il n'y a rien de
plus connu et de
moins bien connu que
l'insurrection
vendéenne de 1793,
la grande guerre,
comme l'appellent
encore aujourd'hui
nos anciens. Cette
formidable lutte de
deux principes
éminemment opposés,
que Napoléon a
qualifiée de
guerre de géants,
est peut-être
l'événement de notre
histoire
contemporaine qui a
soulevé les
enthousiasmes les
plus passionnés
comme aussi les
polémiques les plus
ardentes. « C'est
qu'elle ne ressemble
à aucune de nos
campagnes
classiques, cette
guerre, qui a
emprunté un
caractère étrange et
grandiose de
sauvagerie, au
milieu où se sont
déroulés les
événements, et au
tempérament de fer
des paysans exaltés
par leurs croyances.
Elle offre surtout
un côté romanesque
bien fait pour
séduire les
imaginations
populaires, et, pour
qui connaît la
Vendée, avec ses
coteaux boisés, ses
sentiers couverts,
bordés de buissons
de houx, ses vastes
champs de genêts et
ses fourrés
d'ajoncs, il est
facile de
reconstituer par la
pensée ces luttes
d'homme à homme, où
une poignée de gars
résolus, embusqués
au tournant d'un
chemin creux,
guettait le passage
d'une patrouille
ennemie... Les
Bleus s'avancent
en colonne, le cri
de la chouette (1)
retentit au loin :
c'est le signal de
l'attaque. Des coups
de feu partent à
l'improviste
derrière les talus à
pic, et quand les
républicains,
revenus de leur
surprise veulent
riposter, les autres
sont déjà loin,
égaillés comme
une volée de
perdreaux dans les
genêts (2) ».
Voilà comment se
battaient ces
hommes, précurseurs
des Boërs (3), dont
ils eurent l'âme et
le courage. Voilà
comment ils
défendirent pied à
pied leur
territoire. On leur
donna pour cri de
ralliement : Dieu
et le Roi ! Ce
cri leur allait ;
ils s'y
reconnaissaient :
c'était la Vendée !
Ils étaient très
forts parce qu'ils
combattaient pour
une idée : là du
reste est leur
absolution sinon
leur gloire. Armés
de leurs
convictions, ces
soldats improvisés
ne regardaient la
mort que comme in
accident de peu
d'importance, et
lorsqu'une balle
républicaine venait
pour jamais les
coucher au fond d'un
hallier, ils s'en
allaient de ce monde
ensanglanté avec le
grand sentiment du
devoir rempli et
l'espérance d'une
vie meilleure.
Jamais plus de
courage et de
désintéressement ne
furent unis à plus
de gloire et de
malheurs : et
lorsqu'on compare
les divers
événements qui ont
tour à tour agité
les empires et
fourni ces combats
fameux qu'un
enseignement
traditionnel a
légués à notre
admiration, on se
demande comment
cette grande
croisade vendéenne
n'a pas servi de
thème à quelque
Homère moderne, dont
la lyre eut célébré
tant de prodiges de
valeur qui ont
étonné l'Univers et
fait de la Vendée
une pépinière de
héros (4).
Sans doute en
s'insurgeant contre
la Révolution, les
Vendéens ont
combattu la France.
Ce n'est pas à dire
cependant qu'ils
manquaient de
patriotisme :
seulement la patrie
pour eux, c'était le
pays qui les avait
vu naître, le
berceau de leurs
familles, la terre
que depuis dix-huit
siècles ils avaient
arrosée de leur
sang, fécondée de
leurs sueurs. Au
delà, tout
territoire leur
était inconnu,
étranger. Aussi
lorsque la France
envahie proclama ce
mot magique qui mit
tous ses enfants sur
pied : la Patrie
est en danger !
- ils ne comprirent
pas. Ces mots
n'avaient pas de
sens pour eux, et ne
firent pas vibrer
leurs âmes. Pays !
Patrie ; ces deux
mots, a dit Victor,
résument toute la
guerre de Vendée.
De plus, la
Révolution, dans son
œuvre, était
essentiellement
agressive. La
réforme du clergé
dans son radicalisme
leur parut être un
attentat à la
liberté du culte. On
avait dispersé les
moines, les
religieuses, chassé
les prêtres de leurs
presbytères. C'était
la mort à toutes
leurs traditions, à
tous les vieux
usages et aux
coutumes de leurs
pères, la mort au
passé que l'on
proclamait. Ils ne
purent admettre que
leurs prêtres se
soumissent à ces
lois nouvelles. Le
clergé résista au
nom des droits
sacrés de la
conscience et sa
résistance provoqua
des persécutions.
Ces persécutions à
leur tour
enfantèrent des
martyrs et le sang
de ces martyrs fit
germer la révolte.
La religion
attaquée, c'était la
seule cause qui pût
remuer ce peuple. Un
écrivain moderne,
Jules Sandeau, l'a
fort bien compris
quand il a dit que «
si les Bourbons
avaient osé toucher
à la religion de la
Vendée, la Vendée se
serait armée contre
les Bourbons ».
« Oui, ce fut une
véritable Jacquerie
des temps modernes,
ce soulèvement de
paysans accourus par
bandes du fond de
leur Bocage,
insurgés contre les
lois de la
Convention
nationale, et, par
un-bizarre retour
des choses
d'ici-bas, allant
chercher dans leurs
châteaux pour les
mettre à leur tête
leurs seigneurs (5),
tandis que,
quatre-cents ans
plus tôt, c'est
contre ces seigneurs
mêmes que leurs
ancêtres de la
Jacquerie féodale
levèrent leurs
bâtons ferrés » (6).
S'il est certes un
fléau, qu'il faille
redouter avant tous
les autres, un crime
qu'il faille flétrir
de toute l'énergie
de son cœur, c'est
la guerre civile,
guerre implacable
entre toutes. « Mais
comment nos
sympathies
n'iraient-elles pas
tout naturellement à
ces hommes simples
et résolus, qui,
seuls dans toute la
France, osèrent
s'attaquer à la
puissance formidable
de la Convention,
quand le pays tout
entier, terrorisé
par les exécutions
en masse, courbait
la tête sous le
couteau de la
guillotine ». Leurs
chefs étaient bien
grands :
Cathelineau,
d'Elbée, Bonchamps,
La Rochejaquelein,
Lescure, Charette,
Stofflet, Marigny,
tous des cœurs de
chêne, des héros.
Mais je ne sais s'il
ne faut pas plus
admirer encore ces
paysans qui les
entouraient, ces
dévoués, ces
désintéressés, ces
intrépides ; obscurs
dans la mort comme
ils l'ont été dans
la vie ; serviteurs
de la foi, non de la
gloire.
Aussi bien, notre
admiration et notre
enthousiasme pour
l'héroïque
résistance de ces
paysans guerriers ne
doivent pas nous
empêcher de rendre
un légitime hommage
au courage et à
l'énergie des
adversaires avec
lesquels ils eurent
à se mesurer. Il
nous faut en effet
faire une large part
de gloire à ces
pauvres soldats de
la République, à ces
sans-culottes de
l'armée du Rhin,
héros futurs des
guerres de l'Empire
qui, jetés au milieu
d'un bocage presque
inaccessible,
souvent mal dirigés,
donnaient tête
baissée dans ce
labyrinthe
inextricable et
profond (7) où
les attendait un
ennemi insaisissable
et une mort presque
certaine. Les crimes
de quelques-uns de
leurs généraux ont
pu jeter sur ces
troupes patriotes un
discrédit immérité ;
ils n'ont pas porté
atteinte à leur
bravoure de soldats.
Trois générations
nous séparent de ces
événements, qui
eurent pour acteurs
nos grands-pères et
qui nous ont été
racontés par nos
pères. Ce fut entre
les hommes de 1793
et les derniers
défenseurs de la
féodalité expirante
un duel à mort, où
de rudes coups
furent portés de
part et d'autre.
Aujourd'hui que
l'apaisement est
fait, après un
siècle écoulé entre
la Vendée et la
France, on peut
affirmer que,
quelles qu'en aient
été les suites
désastreuses au
point de vue
national, cette
guerre est et
restera une page
glorieuse de
l'histoire de notre
épopée
révolutionnaire. «
Glorieuse pour les
vaincus, glorieuse
aussi pour les
vainqueurs : car,
dans les deux camps.
il y avait
d'honnêtes gens,
tous Français, qui
se battaient avec un
égal courage, pour
le triomphe de leurs
principes ».
(1) Le cri
par-lequel les
Vendéens
s'appelaient et se
répondaient d'une
colline à l'autre en
houpant d'une façon
mystérieuse et
parfois sinistre,
comme les hôtements
de Jean des Bois,
c'est-à-dire du
chat-huant, à fait
appeler quelquefois
les Vendéens
insurgés : Les
Chouans, Or, rien
n'est moins vrai. -
Les Chouans furent
les insurgés du
Maine et de la
Basse-Normandie et
d'une partie de la
Bretagne, qui, sous
la direction de
chefs se dissimulant
pour la plupart sous
des pseudonymes,
comme ceux de
Tranche-Montagne, de
Jambe-d'Argent,
etc., ne firent
qu'une guerre de
surprise,
d'embuscades et de
coups de mains. Or,
la Vendée n'a jamais
chouanné, même dans
son agonie ; c'est
au jour, à visage
découvert, en
regardant bien
l'ennemi en face
qu'elle a toujours
combattu.
(2) Préface du
journal d'un
conventionnel, par
Leroux-Cesbron, page
1.
(3) Plus on
compare la guerre
des Vendéens et
celle des Boërs et
plus se révèlent de
multiples et
saisissantes
analogies. Si l'on
fait abstraction des
différences de cause
et de but, dans
cette lutte de deux
populations de
laboureurs et de
bergers contre des
armées puissamment
organisées, les
mêmes péripéties,
presque les mêmes
épisodes se
représentent et se
succèdent avec une
exactitude vraiment
étonnante. D'abord
une période de
grande guerre et
d'invraisemblables
victoires que
stérilisait
l'indiscipline et le
manque de cohésion
de ces levées en
masse. Victorieux en
rase campagne,
Vendéens et Boërs
échouent fatalement,
sitôt que le succès
exige plus
d'obéissance passive
que d'enthousiasme
et plus de méthode
que de courage. Ils
ne sont capables ni
de venir à bout d'un
siège ni de
poursuivre un plan
de campagne. Les uns
sont repoussés de
Nantes et perdent
l'occasion de
pénétrer en
Bretagne, les autres
ne peuvent s'emparer
de Ladismith et
laissent passer le
moment d'insurger la
colonie du Cap, etc.
- René Blachez,
Bonchamps et
l'insurrection
Vendéenne, page 5.
(4) Un officier
républicain a su
clairement apprécier
du reste la nature,
la grandeur et
l'importance de
l'insurrection
vendéenne. « J'ai
contemplé de près,
dit-il, cette guerre
de la Vendée si
pleine d'intérêts et
d'images : j'y pense
le jour, j'y rêve la
nuit ; ce n'est pas
une guerre froide et
plate, une guerre
d'ambition et de
politique, une
guerre de commerce
et de calcul ; c'est
une guerre profonde,
qui a ses racines
dans le sol, dans le
culte, une guerre de
famille et de
patrie, une guerre à
la manière antique
et passionnée, une
guerre homérique et
qui montera un jour
sur nos théâtres
pour y porter
l'effroi,
l'admiration, la
pitié et l'amour. »
« J'ai vu des
peintres qui
allaient en Syrie
chercher des sujets
de bataille ; j'ai
vu des poètes qui
allaient en Grèce ou
en Pologne chercher
des chants et des
inspirations, mais
l'Anjou, le Poitou,
le Maine et la
Bretagne ont des
pages toutes prêtes,
des odes toutes
faites. C'est folie
coupable d'aller si
loin s'attendrir,
s'égarer, quand tout
appelle ici la
palette et la lyre
!» - L'abbé Deniau.
- T. I, p. 237.
(5) Voir à ce
propos, dans la
Revue du Bas Poitou,
Ve année, page
202-201, un
remarquable article
de M.
Baguenier-Désormeaux,
intitulé :
La
noblesse de l'Ouest
au moment de la
Révolution.
(6) Préface du
journal d'un
conventionnal, page
2.
(7)Expression de
Kléber.
CONSIDÉRATIONS
GÉNÉRALES SUR LA
VENDÉE, SUR LES
VENDÉENS ET SUR LES
CAUSES DE LA GUERRE
CIVILE
§ I - La
topographie du
pays.
Le théâtre de la
Vendée militaire,
c'est-à-dire de
toute la contrée qui
s'est soulevée
contre la Convention
en 1793, occupe un
espace d'environ
huit cent lieues
carrées. Ses limites
peuvent être tracées
par une ligne
conventionnelle
tirée à l'est dans
la direction des
Ponts-de-Cé à
Brissac, Doué,
Thouars, Parthenay
et Niort ; - au sud
par la route de
Niort à Fontenay,
Luçon et les
Sables-d'Olonne ; -
à l'ouest par les
côtes de la mer
jusqu'à Paimbœuf ; -
et au nord en
remontant la rive
gauche de la Loire
jusqu'aux
Ponts-de-Cé. Cette
enceinte, renfermant
au. moins huit cent
mille âmes, comprend
la majeure partie du
département de la
Vendée, une portion
de celui des
Deux-Sèvres, et tout
ce qui appartient
aux départements de
Maine-et-Loire et de
la Loire-Inférieure,
sur la rive gauche
du fleuve. Quoique
la guerre civile
n'ait point reçu sa
première impulsion
du département de la
Vendée, il a
cependant donné son
nom à cette guerre,
parce que ses
habitants y ont pris
la part la plus
active, la plus
générale et la plus
opiniâtre. Sur 750
communes de ces
quatre départements,
480 ont contribué à
l'insurrection, dont
113 dans le
département de la
Vendée, 130 dans
celui de
Maine-et-Loire, 87
dans les Deux-Sèvres
et 80 dans la Loire
Inférieure.
Le département de
la Vendée, en dehors
de deux îles de peu
d'étendue, comprend
trois parties bien
distinctes : le
Bocage, la Plaine et
le Marais. Nous
en avons fait la
description actuelle
dans notre premier
volume ; nous allons
donner ici un simple
aperçu de ce
qu'était le pays au
moment de la
Révolution.
Le
Bocage,
couvert de hautes
futaies et de
bois-taillis plus
nombreux
qu'aujourd'hui et,
très peu étendus,
arrosé par de
nombreux cours
d'eau, formait les
deux tiers du pays
insurgé et
présentait dans son
ensemble l'aspect
d'une forêt sauvage
et touffue. Les
propriétés y étaient
partagées en petits
enclos de, deux ou
trois hectares au
maximum, entourés de
larges fossés,
bordés de fortes
haies de deux ou
trois mètres de
hauteur, parsemés
d'arbres faisant
l'effet de
palissades autour
d'un ouvrage
fortifié ; c'était
ordinairement sur la
lisière de ces haies
que les Vendéens
préparaient leurs
embuscades.
Le pays n'était
traversé que par les
routes royales
passant l'une par
Mortagne, Les
Herbiers, les
Quatre-Chemins de
l'Oie, les Essarts,
la Roche-sur-Yon et
les Sables-d'Olonne
; l'autre par
Chaillé-les-Marais,
Sainte-Gemme-la-Plaine,
Sainte-Hermine,
Chantonnay, les
Quatre-Chemins,
Saint-Fulgent et
Montaigu. Ces deux
routes étaient
reliées entre elles
ou plutôt coupées
par de nombreux
chemins communaux
raboteux, remplis
souvent de
fondrières, et
auxquels venaient
s'enchevêtrer des
milliers de sentiers
étroits, tortueux,
sorte de défilés
constituant dans
leur ensemble un
labyrinthe obscur,
inextricable et
profond, dans lequel
une armée ne pouvait
en quelque sorte
marcher qu'à tâtons
et sans se déployer.
De là
l'impossibilité de
disposer d'avance un
ordre de bataille,
d'exécuter des
manœuvres, d'établir
une correspondance
et des
communications, de
régulariser, de
coordonner les
mouvements d'une
armée. On conçoit
qu'un pareil pays,
partout enveloppé
d'ombre, de silence
et de mystère,
devait déconcerter
toutes les
combinaisons, tous
les principes de la
tactique militaire.
Plein de ressources
pour la défense, il
opposait les plus
grands obstacles à
la guerre offensive.
Le
Marais
de Challans, de
Machecoul, de
Saint-Jean-de-Monts,
présentait des
obstacles d'un autre
genre. C'est un
terrain plat et
découvert, coupé de
canaux ou de marais
salants, avec, pour
chemins, des
sentiers pratiqués
entre deux canaux.
On ne peut guère
voyager dans ce pays
sans avoir sur
l'épaule la longue
perche appelée
ningle, avec
laquelle le soldat
maraîchin, son fusil
en bandoulière,
franchissait
facilement des
fossés de 10 à 12
pieds de largeur.
Poursuivi par
l'ennemi, il se
jetait dans sa
niole, bateau plat
et léger, se cachait
dans les hautes
herbes du talus, et
au moment où
l'ennemi y comptait
le moins, il
déchargeait sur lui
sa carabine, et
disparaissait encore
avec la même
rapidité pour
recommencer sur un
autre point de
marais.
La
Plaine,
d'une composition
géologique
différente, et aux
aspects absolument
dissemblables, ne
tient à la Vendée
que parce qu'elle
est enclavée dans
ses limites. Pays
plat et presque
complètement
dépourvu d'eaux
vives, cette région
est habitée par une
population dont les
caractères, les
tendances, les goûts
ne ressemblent guère
à ceux des autres
parties du
département et qui,
dans son ensemble,
ne prit qu'une
faible part au
soulèvement de 93.
§ II -
Caractères des
Vendéens.
État politique
et religieux de
la Vendée avant
la Révolution.
La Vendée, au moment
de la Révolution,
formait un étrange
contraste avec le
reste de la France.
Confinés dans leur
bocage ou dans leur
marais, par suite
des difficultés de
communication avec
les pays voisins,
les Vendéens
vivaient dans une
solitude profonde,
où n'avaient guère
pénétré ni les
premières lumières
de la Renaissance,
ni le génie
littéraire du grand
siècle, ni les
maximes
philosophiques du
XVIIIe siècle.
Immobiles pour ainsi
dire au milieu du
mouvement général,
esclaves trop
souvent de leurs
habitudes et de
leurs préjugés,
quand tout changeait
autour d'eux, ils
étaient presque
partout restés en
dehors du mouvement
qui emportait la
société civile vers
une ère meilleure.
Profondément
religieux, les
Vendéens avaient
entière et absolue
confiance dans leurs
prêtres, et aucun
événement important
de la vie ne
s'accomplissait sans
que le curé eut le
premier rôle et la
place d'honneur avec
le seigneur. On
conçoit quelle
influence devaient
exercer les prêtres
sur un pareil peuple
: influence d'autant
plus grande que dans
ce pays la richesse
n'avait point
corrompu les mœurs
et qu' ils
exerçaient un
ministère tout
paternel. Le curé
avait un empire
absolu sur ses
paroissiens :
c'était pour eux le
dispensateur des
grâces célestes, la
première puissance
de l'état, et en
quelque sorte le
représentant de Dieu
sur la terre.
Sous le rapport
politique, la Vendée
ne ressemblait pas
non plus au reste de
la France. Dans ce
pays de mœurs
patriarcales, les
servitudes féodales
étaient douces, et
ces mêmes hommes qui
acceptaient
docilement
l'autorité des
prêtres, savaient au
besoin résister à
leurs seigneurs, et
ne se seraient pas
soumis à un ordre
tyrannique ou à un
usage avilissant.
Dès qu'il s'agissait
de leur propriété ou
de leur
indépendance, ils
reprenaient le
sentiment de leur
force et de leur
dignité, et l'on
voyait alors se
manifester en eux
cet instinct de
l'égalité, qui se
conserve toujours
dans les âmes, que
la corruption et
l'habitude de
l'esclavage n'ont
point énervées.
Travailleurs,
économes, probes,
fidèles à la parole
donnée, pleins de
désintéressement,
méprisant les
plaisirs et la mort,
les Vendéens
rappelaient par plus
d'un côté les
républicains de
l'ancienne Rome. Ils
avaient comme eux
toutes les vertus
qui font les
citoyens libres.
Aussi tous les
écrivains qui ont
parlé de la Vendée
ont remarqué comme
une singularité que
dans l'armée
catholique royale,
il y avait plus
d'esprit d'égalité
et des formes plus
républicaines que
dans l'armée de la
République. Les
guerres de Vendée
amenèrent en effet
ce résultat
singulier : deux
armées se trouvèrent
en présence : l'une
avec l'étiquette
républicaine servait
un gouvernement
despotique ;
l'autre, sous le
drapeau de
l'insurrection
luttait pour son
indépendance, pour
sa liberté et pour
sa foi religieuse.
Si d'un côté les
brillantes armées de
la République
avaient pour chefs
Augereau, maître
d'armes ; Rossignol,
orfèvre ; Moreau,
prévot d'une école
de droit ; Jourdan,
marchand mercier ;
Brune, imprimeur,
etc., de l'autre,
dans les armées
vendéennes, le
commandement fut
d'abord aux mains de
Cathelineau,
colporteur ;
Stofflet,
garde-chasse ;
Gaston, perruquier ;
Esigny, ancien
gendarme ; Forest,
paysan ; Pajot,
marchand de
volailles, etc.
Un autre trait
distinctif du
caractère des
Vendéens, c'était
leur répugnance pour
le service militaire
; non par lâcheté,
mais par amour pour
leur pays natal, par
attachement à leurs
habitudes.
En Vendée, la
position des paysans
vis-à-vis des nobles
ne fut jamais celle
des serfs vis-à-vis
des seigneurs. En
dehors des villes de
Fontenay, Les
Sables, Luçon et de
quelques gros bourgs
habités par de
petits
propriétaires, des
artisans et des
marchands, le reste
du département était
partagé en une
multitude de petites
métairies, affermées
souvent 5 ou 600
francs, exploitées
de père en fils par
la même famille, qui
partageait le
produit des bestiaux
avec le maître de la
terre auquel
incombaient presque
toutes les rentes et
redevances féodales.
De là naissaient des
rapports continuels
et affectueux entre
les nobles et les
paysans. Il y avait
même dans ces
relations une
familiarité de bon
aloi qui excluait
toute idée de
servitude, et l'on
peut dire que les
nobles vendéens,
vrais campagnards
pour la plupart,
n'avaient des
seigneurs de
l'ancien régime que
le nom.
§ III - Origine
et causes de la
guerre de Vendée
On a cherché les
vraies causes de la
guerre de Vendée et
l'on n'a donné le
plus souvent que des
prétextes. Quand un
homme s'est élevé
par de grandes
actions, on demande
quels moyens il a
employés. La cause
initiale c'est son
génie. Il faut
chercher les causes
de la guerre civile
de la Vendée,
surtout dans le
caractère de ses
habitants, ou plutôt
dans le caractère
particulier des
habitants du bocage
et du marais
occidental chez
lesquels elle a pris
naissance et qui,
aux jours des
victoires comme aux
jours des défaites,
y eurent la part la
plus grande et la
plus active.
Lorsque la
convocation des
Etats-Généraux
réveilla le
sentiment de la
liberté et fit
naître dans tous les
cœurs français
l'espoir d'une
organisation
politique et civile
plus conforme à la
dignité de l'espèce
humaine, les
habitants de la
Vendée ne prirent en
général aucune part
à l'enthousiasme
universel. Ils
accueillirent même
avec indifférence
les premiers
événements de la
Révolution. Sans
désirs comme sans
besoins, ils ne
pouvaient se former
une juste idée de
l'égalité à laquelle
on les appelait, et
ils ne virent dans
la suppression de la
féodalité qui leur
était
particulièrement
douce, ainsi que
nous l'avons dit,
qu'une innovation
dont ils
n'appréciaient pas
le but, et qui dès
lors répugnait à la
constance de leurs
habitudes.
Aux institutions
anciennes
succédèrent tout à
coup des
institutions
nouvelles qui leur
déplurent par leur
nouveauté même.
Comme le dit
excellemment quelque
part Jules Simon, «
ces têtes de granit
ne voulaient pas du
nouveau. »
Cependant, cette
indifférence pour
les bienfaits de la
Révolution ne fut
pas universelle dans
la Vendée. Dès le
début, la majorité
des habitants des
villes, de la plaine
et du marais
méridional, où la
civilisation avait
fait plus de progrès
se déclara nettement
pour la cause de la
liberté ; et dans le
bocage même,
certaines nouveautés
révolutionnaires,
telles que la
suppression de
l'impôt sur le sel,
le droit de chasse,
la suppression des
justices
seigneuriales,
furent loin de
déplaire aux
paysans. A
Maulévrier
notamment, le
parquet seigneurial
avait été renversé
par les habitants
avant que la loi ne
l'eût aboli.
Les paysans
conservaient
toujours, il est
vrai, pour la
personne de leurs
seigneurs le respect
et l'affection que
ceux-ci avaient su
se concilier depuis
des siècles par leur
douceur et leur
affabilité, et dans
les élections qui
eurent lieu dans les
premières années de
la Révolution, ce
furent encore les
seigneurs qui furent
élus aux premiers
postes. Mais
l'abolition des
titres nobiliaires
ne leur inspira pas
le plus léger regret
et ne les aurait pas
un instant détournés
de leur famille et
de leur charrue.
La suppression des
ordres religieux ne
souleva même presque
aucune émotion ;
beaucoup de
monastères étaient
dépeuplés, les mœurs
de certains moines
étaient décriées, et
il faut savoir le
dire, leur piété
s'était presque
partout
singulièrement
attiédie.
L'engagement formel
pris par la
Constituante de
subvenir aux besoins
du culte, semblait
légitimer
l'expropriation de
leurs biens, et
beaucoup de famille
très orthodoxes et
très attachées à la
royauté ne se firent
point scrupule d'en
acheter.
Mais ces changements
matériels dans la
situation de
l'Église ne
satisfaisaient pas
les idées
philosophiques et
voltairiennes de la
majorité des
constituants. Il
fallait saper par la
base cette grande
institution dix-huit
fois séculaire,
l'Église catholique
toujours debout, et
pendant les mois de
juillet, d'août et
de novembre 1790,
l'Assemblée essaya
de la renverser en
votant la fameuse
Constitution civile
du clergé.
Jusque-là la Vendée
était pour ainsi
dire demeurée
indifférente aux
réformes accomplies
; mais lorsque fut
décrétée la
Constitution civile
du clergé, son
exaspération ne
connut plus de
bornes, et l'on peut
dire que cette
révolte de la
conscience
catholique contre la
tyrannie de
l'impiété
révolutionnaire
fut
la véritable : on
peut dire presque
l'unique cause des
soulèvements qui
vont se produire
bientôt.
La Constituante
avait décrété que
dorénavant évêques
et curés devaient
être nommés par le
peuple, à
l'élection, comme
aux premiers siècles
de l'Église ;
assimilés à tous les
fonctionnaires, ils
devaient prêter le
serment civique à la
nation et à la loi.
Le lien qui unissait
l'Église au
Saint-Siège se
rompait ; le pape
était déchu de toute
autorité et de tout
contrôle : la
nomination du clergé
n'appartenait plus à
l'Église de France ;
elle se trouvait
livrée aux intrigues
d'assemblées
électorales, où les
adversaires de la
foi catholique, les
incrédules, les
protestants et les
juifs siégeaient à
côté des fidèles.
Par là le principe
de la souveraineté
du peuple devenait
un des dogmes du
nouveau culte :
l'orthodoxie du
ministre dépendait
des caprices de la
foule.
Or, le paysan
vendéen, ainsi que
nous l'avons dit,
vénérait son curé
institué
canoniquement
pasteur des âmes, et
ce fut, consterné et
avec la rage dans le
cœur qu'il
accueillit la
publication de la
Constitution civile,
qui eut lieu vers la
fin de janvier et au
commencement de
février 1791.
Aussi l'installation
des intrus
(c'est-à-dire des
prêtres assermentés
ou
constitutionnels),
éprouva-t-elle une
opposition presque
universelle. Ils
étaient dépeints aux
habitants par les
insermentés
comme des païens et
des ennemis de Dieu.
L'église, là où on
les souffrait,
restait déserte ; un
crèpe funèbre
enveloppait la
croix, et le
presbytère était
délaissé. Les
enfants mêmes
fuyaient à la vue du
nouveau curé en
criant :
c'est
le jureur !
« Il ne trouvait,
dit Émile Souvestre,
personne qui voulut
lui parler, lui
vendre et le servir.
On le fuyait comme
un sacrilège et un
apostat, et il se
trouva de populeuses
communes où la messe
ne put être célébrée
parce que l'intrus
ne rencontra pas une
maison qui voulut
lui fournir le
charbon pour
l'encensoir et le
feu pour allumer les
cierges. » - Les
révolutionnaires
avaient bien décrété
un culte : ils ne
pouvaient le faire
pénétrer dans les
consciences. Ils
avaient vidé les
églises et ne
pouvaient les
remplir. Ils avaient
un clergé, des
cathédrales, toute
la magnificence
extérieure du culte,
des cérémonies et
pas de fidèles. La
foi, qui seule
vivifie les
religions, ne
pouvait être imposée
par mesure
législative.
Quant aux
insermentés, la
déportation décrétée
contre eux leur
donna une sainteté
nouvelle et une
invincible puissance
: de prêtres ils
étaient passés
martyrs. Chaque
paroisse comptait au
moins un de ces
proscrits qui, du
fond de leurs
retraites,
exerçaient un empire
absolu sur les âmes.
On leur amenait de
plusieurs lieues et
au milieu de la nuit
des enfants à
baptiser, des
mourants à bénir.
Chassés des églises,
ils dressaient un
autel dans quelque
clairière perdue au
fond des bois, au
milieu des champs de
genêt et des landes
(1), ou quelquefois
même sur un ilôt
battu par la
tempête. « Une voix
surgissait tout à
coup des ténèbres,
proclamait
l'introït,
l'évangile, la
communion : la foule
muette frissonnait,
s'agenouillait, se
relevait pour se
prosterner encore.
Le grêle tintement
de la sonnette du
clerc, la silhouette
vague de l'officiant
qui se dressait
au-dessus de
l'assistance comme
une apparition
fantastique ; cette
obscurité pleine
d'ombres
silencieuses, le
souffle étouffé de
la multitude
invisible, ces voix
soudaines qui
semblaient les
clameurs de la nuit,
engendraient des
émotions
surnaturelles. Les
fidèles revivaient
les mystères des
premiers âges : les
cœurs
s'enfiévraient, les
têtes s'exaltaient
jusqu'à l'extase :
des bruits de
miracles se
répandaient dans la
contrée (2) ».
L'effervescence
causée par cette
scission religieuse
arriva bientôt à son
paroxysme. Tout
présageait une crise
prochaine. Il ne
fallait plus qu'un
motif décisif pour
la faire éclater
quand la révolte est
dans tous les cœurs,
l'occasion ne leur
manque jamais.
Deux circonstances
se prèsentèrent qui
semblaient devoir
allumer cet
incendie. Le premier
fut la catastrophe
du 10 août, qui
rejeta plusieurs
nobles dans leurs
terres, et les
persécutions
dirigées à cette
époque contre les
prêtres insermentés,
et qui amenèrent
dans les régions de
Bressuire, de la
Châtaigneraie, de
Palluau, de
Challans, des
soulèvements
partiels qu'on peut
considérer comme un
premier essai à la
guerre civile.
Une nouvelle
occasion de révolte
vint bientôt
s'offrir aux
Vendéens, et
celle-là semblait
devoir être
décisive. Le crime
du 21 janvier
indigna et consterna
la Vendée.
Toutefois, à cette
époque, aucun
mouvement n'y
éclata. Mais
l'exécution de la
loi du 23 février
1793 fit, trois mois
après, ce que
n'avaient fait ni le
10 août, ni le 21
janvier. La grande
mesure de la levée
de 300.000 hommes,
nécessitée par les
dangers de la
patrie, et exécutée
avec enthousiasme
dans le reste de la
France, fut pour la
Vendée l'une des
causes déterminantes
de l'insurrection.
Le recrutement parut
aux Vendéens
d'autant plus
oppressif que
jusqu'alors ils en
avaient été exempts.
Les pères disaient à
leurs enfants qu'en
se faisant soldats
de la République ils
allaient combattre
contre leur
religion, et qu'ils
ne pouvaient
abandonner leurs
prêtres proscrits
pour se ranger sous
les drapeaux de
leurs persécuteurs.
Pour exécuter la
levée en masse d'une
population si
originale et si
profondément
religieuse, il eut
fallu chez les
mandataires de la
Convention,
improvisés hommes
d'État en quelque
sorte à coups de
hache, des notions
ethnographiques qui
leur manquaient
absolument, et qui
leur eussent permis
peut-être d'amener
sans secousse la
Vendée autoritaire
et autocratique à
une évolution
pacifique vers les
libertés
républicaines. Si,
au lieu d'ériger le
dogme en violence et
de décréter la mort
ou les arrestations,
les chefs du
gouvernement eussent
pris le parti d'une
sage temporisation,
et offert aux
rebelles amnistie
pleine et entière,
il est probable,
sinon certain, que
le premier mouvement
de révolte se fut
calmé de lui même,
car en ce moment
l'insurrection
n'avait point de
cadres.
Ce serait en effet
une grave erreur de
croire que la Vendée
s'est révoltée pour
les nobles, et que
c'est par eux que le
soulèvement a été
préparé. Tous les
gentilshommes qui
devinrent plus tard
les principaux chefs
de l'armée vivaient
alors dans la
retraite et
l'obscurité. MM. de
Lescure et de la
Rochejaquelein, très
jeunes encore,
étaient retirés au
château de Clisson,
dans la paroisse de
Boismé, fort
tranquille à cette
époque, parce que le
curé et te vicaire
s'étaient soumis au
serment.
Démissionnaire de
l'armée, Bonchamps
était venu chercher
le repos et l'oubli
dans sa retraite de
la Baronnière, et ne
songeait point à
souffler le feu de
la guerre civile, de
cette guerre qui,
disait-il, ne
donne point de
gloire. D'Elbée,
homme pieux et alors
sans ambition,
rentré de
l'émigration,
coulait des jours
paisibles dans sa
modeste habitation
de la Loge. Sapinaud
de la Verrie vivait
en philosophe dans
sa retraite, et
Charette, après un
court séjour à
Coblentz, tenait sa
petite cour de
galanterie à
Fonteclause, près la
Garnache. Toute la
noblesse était
surveillée de près
par les
administrations,
composées en général
d'adversaires
politiques qui, trop
souvent,
poursuivaient, dans
leur dévouement à la
Révolution, moins le
triomphe d'une idée
que la satisfaction
de leurs préjugés et
de leurs rancunes.
Les gentilshommes
vivant dans
l'isolement, tout
occupés de pourvoir
à leur sûreté, ne se
connaissaient même
pas entre eux. Il
n'y eut donc de leur
part ni complots, ni
secrètes
intelligences, ni
exhortations à la
révolte. La guerre
une fois commencée
ils la soutinrent et
la prolongèrent par
leurs talents et par
leur courage. Sans
la force de leur
exemple, elle
n'aurait pas
continué longtemps,
c'est certain, mais
elle avait commencé
sans eux. Ce ne
furent pas les
nobles qui allèrent
chercher les paysans
: ce furent les
paysans qui allèrent
chercher les nobles
dans leurs châteaux,
les entraînèrent et
les élurent pour
chefs.
La question
religieuse d'abord
et la question
militaire ensuite,
furent pour ainsi
dire les deux seules
causes du terrible
soulèvement de la
Vendée. Elles ont
été en peu de mots
admirablement
résumées dans une
partie de la lettre
que le 18 février
1785, c'est-à-dire
le jour même de la
signature du traité
de pacification de
la Jaunais, le major
général de l'armée
de Stofflet,
Trotouin, écrivait à
son chef et à son
conseil, pour les
engager à accepter
les conditions de
Charette.
« Les réflexions
sages des
représentants du
peuple m'ont
déterminé à faire la
paix. Le peuple de
Vendée a pris les
armes pour deux
raisons : La
première, sa
religion ; on la
lui laisse, la
seconde, pour
s'exempter de tirer
à la milice ; on
le laisse tranquille
dans ses foyers :
jamais il ne s'est
armé pour son roi
(3), le genre de
gouvernement lui
importe peu, pourvu
qu'on ne l'opprime
pas, pourvu qu'il
puisse s'occuper de
ses intérêts (4).
Aux causes que nous
venons d'indiquer,
causes on le voit,
beaucoup plus
religieuses que
politiques, les
mesures violentes
opposées par les
administrations à la
résistance générale,
exaspérèrent bientôt
un peuple depuis
longtemps
effervescent et
décidèrent le moment
de l'explosion. En
quelques jours tout
fut en armes, sur
une superficie de
quatre cents lieues
carrées.
Alors commença
devant l'Europe
étonnée cette lutte
épique, qui dans
l'espace de quatre
ans présente plus de
700 combats et 23
batailles rangées, -
cette guerre
d'extermination et
de vengeance, qui,
au dire de
Chateaubriand et de
plusieurs autres
historiens, coûta à
la République
400.000 hommes de
troupes régulières,
700.000 gardes
nationaux, 500
pièces de canon et
300.000 fusils (5),
cette guerre de
fanatisme, ou l'on
vit figurer sur les
champs de bataille,
des femmes, des
prêtres, des enfants
de douze ans et des
vieillards de
soixante-quinze ans.
- « Bien soutenue et
conduite, dit
Napoléon dans ses
Mémoires, cette
insurrection eut
détruit quatre
républiques ».
(1) Le grand-père de
l'auteur lui a
souvent raconté
qu'il avait
plusieurs fois
assisté à ces messes
célébrées la nuit,
non loin de
l'ancienne abbaye de
Trizay (en
Saint-Vincent-Puymaufrais),
par M. Desplobains,
qui n'avait pas
voulu émigrer et
qui, pendant la
tourmente
révolutionnaire, se
cachait le plus
souvent dans
l'ancien prieuré de
l'Angle, près
Chantonnay, ou dans
les caves du château
de la
Roche-Louherie,
habitation du
sénateur de Béjarry.
(2) René
Blachez.- Bonchamps
et l'insurrection
vendéenne, page 79.
(3) Bien que la
question politique
ne soit venue qu'au
second plan, il y a
évidemment une
erreur dans
l'appréciation de
Trotouin, en ce qui
concerne le roi,
dont les malheurs
avaient touché
profondément les
Vendéens. Pour eux,
le roi n'était pas
seulement un prince
injustement accusé,
il était le symbole
vivant de la patrie
et de l'honneur;
attenter à sa vie
était plus qu'un
crime ; c'était un
sacrilège.
(4) Darmaing,
page 344.
(5) Un autre
historien s'exprime
ainsi : « Du 12 mars
1793 au 19 novembre
1799, 600.000
vendéens ont. pris
part à cette lutte
de géants, ont livré
700 combats et 17
grandes batailles
rangées, capturé 500
pièces de canon,
150.000 fusils et
80.000 prisonniers,
qui presque tous
furent renvoyés.
SOULÈVEMENT DE
SAINT-FLORENT-LE-VIEIL
(12 Mars 1793)
On sait comment la
guerre qui couvait
sous la cendre
commença. Ce qui se
passa à
Saint-Florent-le-Vieil
donnera l'idée de
toute l'insurrection
vendéenne, et
bientôt, au bruit du
canon de cette
petite ville, vont
s'éveiller toutes
les cloches de
l'Anjou et de la
Haute-Vendée.
C'était le 12 mars
1793 ; les
commissaires du
district étaient
assemblés dans la
chapelle des
Bénédictins, à la
porte de laquelle
une couleuvrine
chargée à mitraille
menaçait les jeunes
gens qui
refuseraient de
venir tirer, en
exécution du fameux
décret du 15 février
1793, qui rappelait
trois cent mille
hommes aux
frontières (1).
Ceux-ci arrivaient
par, bandes sous la
gueule du canon,
avec leurs parents,
leurs fiancées et
leurs amis ; leurs
rangs grossissaient
d'heure en heure sur
la place du
Puit-Billot,
mais pas un ne
répondait à l'appel
de son nom. Les
têtes s'échauffèrent
ainsi de part et
d'autre. Un
commissaire (2)
s'avance et harangue
les récalcitrants
avec violence : -
Venez tirer ou vous
allez mourir ! «
Mourons plutôt que
de tirer ! s'écrie
un jeune gars de
Chanzeaux, René
Forêt, revenu depuis
peu de l'émigration.
Un coup de canon
part et laboure les
rangs des conscrits.
Mais déjà tous se
sont rués sur la
pièce, dispersent et
assomment de leurs
hâtons les
artilleurs et les
commissaires. De là
ils courent au
district, brûlent
les papiers,
distribuent la
caisse, et maîtres
ainsi du terrain,
célèbrent leur
victoire par un feu
de joie et des
libations (3).
(1) Ce fut seulement
le 2 mars 1793 dans
la soirée, que le
directoire du
département de la
Vendée reçut par
courrier
extraordinaire
l'expédition
officielle des lois
militaires des 20 et
24 février.
(2) Tessié du
Cluseaux.
(3) Pitre-Chevalier,
page 371.
CATHELINEAU ENTRE EN
SCÈNE
Le soir, six d'entre
eux, s'imaginant
naïvement que tout
était fini,
rencontrèrent en
traversant le bourg
de Pin-en-Mauges un
bel homme de
trente-cinq ans (1),
à l'œil vif et pur,
à la démarche aisée,
à la figure aimable
et imposante. Cet
homme était Jacques
Cathelineau, pauvre
marchand colporteur
de laine, père de
cinq enfants, vénéré
du pays entier comme
un saint.

Cathelineau
Au récit que les
jeunes gens lui font
des événements de la
journée, Cathelineau
s'anime, se rend
compte de
l'imprudence commise
par les conscrits,
et à cet instant,
cet homme de génie
en sabots,
consciencieux et
étranger à toute
arrière-pensée
d'intérêt personnel,
cette complète
incarnation de la
Vendée, devine sa
destinée et celle de
son pays. Il endosse
aussitôt sa veste de
bure, excite les
jeunes gens à
laisser leurs
chaumières, leurs
familles, leurs
bêches, leurs
charrues, pour
s'atteler aux
canons. « Votre
combat d'une heure
veut une guerre de
dix ans. - Ce que
vous venez de faire
exige une suite
», leur dit-il, et
il se met à leur
tête. Ils sont
vingt-sept
aujourd'hui (2) :
dans trois mois ils
seront 100.000 et
assiégeront Nantes,
sous les ordres de
ce même Cathelineau,
devenu
généralissime.
Le tocsin sonne
bientôt de clocher
en clocher; à ce
signal, tout paysan
valide fait sa
prière, prend son
chapelet et son
fusil, ou s'il n'a
pas de fusil, sa
faux retournée,
embrasse sa mère ou
sa femme, et court
rejoindre ses frères
à travers les haies.
(1) Né en 1758.
(2) Voir leurs noms
dans
Pitre-Chevalier,
page 372, et dans
Deniau, T. I, page
263.
BONCHAMPS ET
D'ELBÉE. -
AFFAIRES DE LA
JALLAIS ET DE
CHEMILLÉ
Cathelineau et ses
compagnons,
augmentant ainsi
leurs forces de
métairie en
métairie, arrivent
le 14 mars à la
Poitevinière, où ils
recrutent encore une
douzaine d'hommes
parmi lesquels un
des amis de
Cathelineau :
Humeau, qui devait
le recevoir dans ses
bras lorsqu'il tomba
mortellement frappé
au siège de Nantes.
La veille, une
partie du
rassemblement de
Saint-Florent était
allée au château de
la Baronnière,
offrir le
commandement en chef
de l'armée
chrétienne à
Bonchamps (1),
tandis qu'au cœur
des Mauges, à
Beaupréau, d'autres
insurgés
proclamaient
également général le
marquis d'Elbée (2).
Les insurgés, au
chant du Vexilla
Regis prodeunt,
qui sera désormais
comme le bardit de
la Vendée militaire,
attaquent ensuite le
château de la
Jallais (14 mars)
défendu par les
soldats du 84e de
ligne et par la
garde nationale de
Chalonnes, sous les
ordres du médecin
Bousseau.
Là, ils improvisent
la tactique qui leur
vaudra tant de
victoires. Ils se
jettent tous à
terre, laissent
passer la mitraille
sur leur tête, se
relèvent, s'élancent
comme l'éclair et
enlèvent la pièce de
six dirigée contre
eux. Ils baptisent
aussitôt ce premier
canon le
Missionnaire.
Ils envoient
Bousseau, leur
prisonnier, porter
leurs sommations à
Chalonnes, et vont
eux-mêmes, secondés
par les paysans aux
ordres de Bonchamps
et d'Elbée,
surprendre par deux
côtés Chemillé, où
ils se saisissent de
trois nouvelles
pièces ainsi que de
fusils.
Ces premiers succès
exaspèrent le
républicanisme des
cités. Les
administrateurs
siègent jour et
nuit. Les milices
nationales courent
aux armes ; les
citoyennes déposent
des bonnets rouges
sur l'autel de la
patrie ; mais rien
ne peut arrêter le
torrent de
l'insurrection qui
grossit, entraînant
avec elle tout le
pays de Mauges.
(1) De Bonchamps, né
le 10 mai 1760, au
château du Crucifix,
commune de
Juvardeuil. Il fit
l'expédition des
Indes sous les
ordres du célèbre
Bailly de Suffren,
brisa son épée et
quitta la France en
1791, lorsqu'on lui
demanda de jurer la
Constitution. Mais
il ne tarda pas à
venir rejoindre sa
jeune femme en sa
terre de la
Baronnière, près
Saint-Florent. C'est
là que les insurgés
le trouvèrent et en
firent un chef. Son
héroïsme n'eut
d'égal que son
habileté, et ses
soldats, qui
l'adoraient, furent
toujours les mieux
disciplinés et les
plus humains de
toute l'armée
catholique. Il
mourut le 18 octobre
1793, au village de
La Meilleraye, à la
suite du passage de
la Loire, d'une
blessure reçue la
veille à la bataille
de Cholet, après
avoir sauvé la vie à
cinq mille
républicains. Son
père était seigneur
de la terre de la
Coudraye, près
Sainte-Hermine, qui
au moment de son
mariage, en 1758,
valait 30.000
livres.
(2) D'Elbée, né à
Dresde, en Saxe, en
1753, et naturalisé
français en 1757,
ancien lieutenant de
cavalerie du 5e
régiment de
chevau-légers,
servit en France
jusqu'au 17
septembre 1783,
époque où il
démissionna, et vint
se fixer au château
de la Loge, près
Beaupréau, district
de Saint-Florent, où
il habitait avec sa
femme, née
d'Hauterive. Fit
partie de
l'assemblée générale
du tiers-état comme
l'un des députés de
la paroisse de
Saint-Martin de
Beaupréau.
Généralissime de
l'armée vendéenne,
le 19 juillet 1793,
blessé mortellement
à la bataille de
Cholet, 16 octobre,
1793, et réfugié à
Noirmoutier : il y
fut fusillé le 9
janvier 1794.
ENTRÉE EN SCÈNE DE
FORÊT ET DE STOFFLET
Traqué à
Chanzeaux.par les
gendarmes, René
Forêt tire sur eux,
sonne le tocsin et
soulève la paroisse
et les environs. A
Maulévrier, Stofflet
(1) garde-chasse des
comtes de Colbert,
doué de hautes et
sérieuses qualités,
mais brutal, voit
avec indignation
enlever du château
de ses maîtres les
douze canons
offerts, en 1540, au
comte de Maulévrier
par la République de
Gênes. Il appelle et
arme douze cents
paysans. Tonnelet,
autre garde, en
réunit cent
cinquante, et leurs
rangs se grossissent
des insurgés de
Mauves, chassés par
les nationaux de
Nantes, des jeunes
gens de Maulévrier,
d'Yzernay, des
Echaubroignes, de
Mazières, de la
banlieue de Cholet
et de tout le
Bas-Anjou.
(1) Stofflet
Nicolas, né le 3
février 1753, à
Barthélemont, près
Lunéville, servit
d'abord dans la
gendarmerie du roi
Stanislas, où il
gagna l'estime du
comte de Colbert,
officier supérieur
dans le même corps.
Celui-ci l'emmena à
Maulévrier et lui
confia la garde de
son château et de sa
forêt. - Il occupait
donc le modeste
emploi de
garde-chasse lorsque
se produisit le
grand soulèvement de
la Vendée et de
l'Anjou. Général en
chef des armées
vendéennes, maréchal
de camp et chevalier
de Saint-Louis, il
fut fusillé à Angers
en 1796, après avoir
pris part à cent
cinquante combats.
Il fut livré par une
trahison, dont le
principal complice
était le curé de
Saint-Laud,
d'Angers, l'abbé
Bernier. (Stofflet
et la Vendée, par
Edmond Stofflet,
Pont-à-Mousson,
1868, in-8e).
PRISE DE CHOLET (15
Mars)
Le 15 mars,
Stofflet, Tonnelet
et Forêt se
réunissent à
Cathelineau pour
attaquer Cholet,
défendu par le
marquis de Beauveau,
procureur syndic,
ancienne victime des
lettres de cachet.
Etrange opposition
qui se renouvellera
souvent dans cette
guerre.
Ainsi, pendant que
la Rouérie, qui
avait contribué à
fonder la république
en Amérique se
faisait en France le
champion de
l'autorité et de
l'absolutisme, que
Beauveau, l'ancien
châtelain de la
Treille, défendait
la cause du peuple,
que l'ex-duc de
Lauzun, Biron,
commandait les
armées de la
République marchant
pour dompter la
Vendée, Stofflet et
Cathelineau, deux
paysans en sabots,
combattaient pour la
royauté ainsi que
nous l'avons déjà
fait remarquer.
Stofflet et
l'aumônier Barbotin
(1) somment la ville
de se rendre,
promettant, dans ce
cas seulement,
d'épargner les
propriétés.
Pour toute réponse,
le marquis de
Beauveau sort de la
ville à la tête de
la garde nationale
et engage l'action.
Le combat dure cinq
heures. Les deux
partis déploient
même courage, même
acharnement. Le
commandant de
Beauveau est un des
premiers blessé
mortellement (2)
avec une foule de
notables, mais, rien
ne peut résister aux
Vendéens qui, le
chapeau bas, la
poitrine découverte
et les mains jointes
(3), s'élancent au
devant des balles
ennemies. La ville
est prise. Dans
toutes les rues ou
dans les environs,
on fait la chasse
aux Bleus. On brûle
les archives, on
épargne la grande
majorité des
habitants ;
néanmoins
L'Espinasse,
directeur de la
poste, fut tué à sa
porte ; Ravinel,
fabricant, fut tué à
coups de sabre et
Moricet, négociant,
brûlé dans ses
magasins avec sa
femme et sa sœur. On
enferma
soigneusement au
château cent
patriotes suspects,
qui seraient morts,
comme le jeune
Ballard, sans
l'intervention des
chefs, surtout de
Bonchamps (4) et de,
d'Elbée, auxquels
Cathelineau et
Stofflet remirent le
commandement (5),
après avoir laissé
pour gouverneur de
la ville conquise un
ancien officier,
Cesbron d'Argonnes.
(l) Un enfant de
Fontenay.
(2) D'un coup de
biscaïen qui lui
brisa les reins. -
Un officier vendéen,
Bernier de
Saint-Lambert du
Lattay, s'empara de
son cheval, qu'il
surnomma le marquis
de Beauveau, et avec
lequel il fit toutes
les guerres de
Vendée.
(3) Guerre des
Vendéens et des
Chouans, par un
officier
républicain, T. I,
par 75.
(5) Bonchamps, qui
fut véritablement le
héros de
l'insurrection
vendéenne,
descendait, par les
femmes, de Samuel
Majou et de
Marguerite Desmé, de
la paroisse de
Sainte-Pexine, deux
victimes de la
révocation de l'Édit
de Nantes (Bonnemer,
page 15).
(5)
Pitre-Chevalier,
page 375. - Chassin
donne la date du 14
mars pour la prise
de Cholet, à
laquelle n'auraient
pris part ni
Cathelineau, ni
Bonchamps, ni
d'Elbée, et
l'attaque aurait été
dirigée par
Stofflet. C'est le
16 mars, toujours
d'après Chassin (La
Préparation à la
guerre de Vendée, T.
III, page 451,
etc.), que d'Elbée
apparut aux côtés de
Stofflet, qui avait
dirigé l'attaque de
Cholet, et ce fut le
21 mars, dans la
soirée,
àSaint-Laurent-de-la-Plaine,
que s'opérait la
jonction des troupes
de d'Elbée et de
Stofflet avec celles
de Bonchamps. Il
n'est pas douteux
pour nous que
Chassin fait erreur.
PRISE DE VIHIERS. -
MARIE-JEANNE
La conquête de
Cholet entraîne la
Vendée entière sous
les drapeaux de
l'insurrection, et
de Cholet
Cathelineau court à
Vihiers (16 mars),
repousser les gardes
nationales de
Saumur. Il leur
enlève, près de
Coron, le fameux
canon donné par
Louis XIII au
château de
Richelieu. Les
Vendéens croient
distinguer, sur sa
riche culasse, une
image de la Vierge;
ils le baptisent
Marie-Jeanne, et
ils en font leur
palladium (1).
La garde nationale
d'Angers est battue
à Jallais et à
Mont-Jean. Les
scènes de Cholet se
renouvellent le 21
mars à Chalonnes,
défendu par trois
mille hommes (2). Le
maire, Vial, propose
en vain aux
patriotes de
s'ensevelir sous les
ruines de la ville.
Le conseil de
Maine-et-Loire,
épouvanté, demande à
la Convention un «
tribunal
d'abréviation » pour
faire tomber les
têtes des
conspirateurs,
Mais toutes les
mesures de rigueur
ne font que donner
des ailes à
l'insurrection qui
s'étend comme une
traînée de poudre de
la Loire à la mer.
Le nord, le centre
et l'ouest de la
Vendée proprement
dite où ont lieu, en
1791 et 1792, des
soulèvements
partiels, prennent
les armes en même
temps contre le
gouvernement
républicain ; ce qui
tend à démontrer
l'existence d'un
plan suffisamment
concerté.
(1) Le fameux canon
est déposé au musée
d'artillerie de
Versailles.
(2) Le 22 mai,
Chalonnes se rendait
aux Vendéens sur la
sommation signée
Barbotin, Stofflet,
d'Elbée, Bonchamps
et Leclerc.
PREMIÈRES NOUVELLES
DE L'INSURRECTION DE
1793 DANS LE
DÉPARTEMENT DE LA
VENDÉE
DISTRICT DE
CHALLANS. - CHARETTE
CHEF DE
L'INSURRECTION
Le 11 mars 1793, le
district de Challans
informe le
département (1), que
les habitants de
Beauvoir se sont
soulevés à
l'occasion de
l'organisation de la
garde nationale (2)
; que les communes
de
Notre-Damede-Monts
et de Saint-Urbain
sont assemblées, et
qu'elles doivent se
porter sur Beauvoir
et Challans, où un
perruquier, Gaston,
s'est mis à la tête
des paysans, après
avoir tué un
officier dont il
revêt l'uniforme.
Mais le chef suprême
de l'insurrection
est Charette,
ancien lieutenant de
vaisseau, né en 1763
et qu'on est allé
chercher dans son
château de
Fonteclause (3).

Charette
Dans la nuit du 8 au
9 mars, le tocsin
avait sonné à Légé,
Saint-Etienne-du-Bois,
Commequiers, et
comme Palluau, où le
receveur de la régie
Saurin avait failli
être tué la veille,
n'a que quelques
défenseurs qui ne
peuvent tenir contre
3 ou 4.000 révoltés,
on demande des
secours aux
districts voisins,
car à Challans on a
pu à peine retenir
pour la nuit 60
gardes nationaux de
Saint-Gilles.
Le 12, un
attroupement est
dissipé à
Saint-Etienne-du-Bois
: plusieurs mutins
sont tués, mais leur
nombre augmentant on
se replie sur
Palluau, où l'on
reste sur la
défensive. Le 44, de
nouveaux
attroupements se
forment à Apremont,
à
Saint-Jean-de-Monts,
à Challans, à Bouin,
sous les ordres de
Guéry du Clouzis,
Desabayes,
Guéry-Fortinière,
Pajot, Jolly, etc.:
ils s'avancent
contre Palluau, dont
les défenseurs
battent en retraite
sur les Sables, en
laissant plusieurs
blessés et trois ou
quatre morts. Le 17
mars, Noirmoutier
est aux mains des
Vendéens. Le 24,
Jolly (4) attaque
les Sables, pendant
que l'île d'Yeu
était sommée de se
rendre ; ce qui
n'eut pas lieu.
(1) Au 12 mars
1793, Martineau
était administrateur
du directoire du
département à
Fontenay-le-Peuple,
Cavoleau président,
et Gougnaud
secrétaire général.
- Echos du Bocage,
tome III, page 404.
(2) Machecoul fut la
première victime de
l'insurrection de la
Basse-Vendée. Cette
ville fut enveloppée
et envahie le 10
mars 1793, par-de
nombreux
attroupements. Il y
périt plusieurs
patriotes ; les
autres furent jetés
dans les cachots. Le
comité sanguinaire
de Machecoul, loin
de les protéger, les
fit massacrer
presque tous. Il
n'en restait plus
qu'une vingtaine,
lorsque les
Républicains
s'emparèrent de
cette ville au mois
d'avril suivant. Du
rapport de Wielland,
qui le premier entra
dans Machecoul et
qui fut ensuite
sacrifié à
Noirmoutier, il
résulte que l'on
égorgea, après leur
avoir fait subir
d'horribles
souffrances, près de
quatre cents
patriotes de la
ville et des
environs.
(3) Charette de la
Contrie naquit à
Touffé, près de
Nantes, le 21 avril
1763. Aspirant de
marine il refusa, en
1790, le serment à
la Révolution.
Pendant la journée
du 10 août 1792, il
essaya vainement de
faire de son corps
un rempart à la
Royauté. « Entouré
par la foule qui
assiégeait le palais
de Louis XVI, il
allait être égorgé,
lorsqu'un lambeau de
chair humaine se
rencontre sous sa
main. C'était la
cuisse mutilée d'un
Suisse. Il s'en
empare. A l'aide de
cet effroyable
passeport, il
traverse la haie
d'assassins qui
l'entourent, et il
se réfugie chez un
cocher de fiacre, où
pendant huit jours
il reste caché dans
un grenier à foin.
Il regagne bientôt
la Bretagne sous un
déguisement. Bientôt
il est comme suspect
emprisonné à Nantes,
et il ne rompt ses
fers qu'à la
recommandation du
général de Marcé. Il
rentre alors dans sa
modeste retraite de
Fonteclause, où dès
les premiers jours
de mars 1793, les
gars de Machecoul et
des environs
allèrent le
chercher. Il refusa
deux fois de se
mettre à leur tête
et les renvoya comme
des mutins sans
consistance. La
troisième fois, 18
mars, ils lui
déclarèrent qu'ils
le tueraient sur
place, s'il
n'acceptait enfin le
commandement.
Charette les regarda
en face, devina tout
ce qu'il ferait de
tels hommes, et leur
dit: « Je serai
votre chef, mais je
le serai
sérieusement.
Souvenez-vous que
c'est vous qui
l'avez voulu, que
vous me suivrez
partout où il me
plaira, que vous
m'obéirez quoi que
je vous commande, et
que le premier qui
élèvera la voix
contre la mienne
sera fusillé à
l'instant ».
Tout le caractère et
toute la destinée de
Charette que nous
allons raconter tout
en long se
révélaient dans
cette harangue. Ses
soldats lui
accordèrent le
serment qu'il
exigeait, et le
lendemain, l'armée
de Charette faisait
trembler le Marais
et la Plaine.
(4) Jolly, ancien
sergent, exerçant 20
métiers, notamment
celui de chirurgien
à La
Chapelle-Hermier. Un
des plus intrépides
lieutenants de
Charette, tué près
de
Saint-Laurent-sur-Sèvre,
peu de temps après
le meurtre d'un de
ses fils.
DISTRICTS DE
MONTAIGU ET DE LA
ROCHE
Dans la nuit du 9
au 10 mars une
centaine de jeunes
gens des environs
des Quatre-Chemins
et de Saint-Fulgent
s'étaient assemblés
au Moulin-Dria,
pour concerter dans
un plan commun leur
résolution bien
arrêtée de ne pas se
présenter au tirage
prochain, et le 11
se joignirent aux
insurgés qui, le
jour de la foire de
l'Oie, enlevèrent le
poste républicain à
l'aide d'un
stratagème. Le 11,
la région de
Veillevigne est en
insurrection. Dans
la nuit du 12 au 13
mars toutes les
communes du district
de Montaigu se
soulèvent sous la
direction d'un
paysan, François
Cougnaud, de
Saint-André-Goule-d'Oie
et de La
Roche-Saint-André,
maire de Montaigu.
Des patriotes y sont
massacrés, notamment
Neau, curé
constitutionnel de
Bouaine, Blay, de
Vieillevigne,
Cholet, contrôleur,
Jagueneau, des
Brouzils et
Thiériot,
docteur-médecin.
D'autres auraient eu
le même sort sans la
généreuse
intervention de Mme
de Lécorce, fille de
l'amiral Duchaffault
et de beaucoup
d'autres personnes
généreuses. Une
autre victime fut le
président du
Directoire,
Beaumier, curé
constitutionnel de
Mormaison, dont on
retrouva le cadavre
sur le bord de
l'Issoire. Le
président du
tribunal de
district, Esprit
Bousseau, blessé,
périt un ou deux
jours plus tard au
passage d'un
ruisseau, dans la
commune de
Saint-Georges-de-Montaigu.
Les paysans des
environs de la
Roche-sur-Yon qui,
dès le 1er mars
avaient fait sonner
le tocsin, s'arment
sous les ordres de
Bulkeley, seigneur
de La Brossardière
en
Saint-André-d'Ornay,
et le 15 mars ce
nouveau chef, avec
300 hommes se rend
maître du chef-lieu
de district dont les
administrateurs se
réfugient à
Beaulieu, près de
Mareuil.
Dès le 3 mars des
attroupements
séditieux avaient eu
lieu dans les
environs de la
Mothe-Achard, où
Biret, procureur
syndic des Sables,
commandait la garde
nationale qui,
d'après une lettre
écrite par lui (1)
aurait fait trente
prisonniers.
(1) Original -
collection Fillon -
communiqué par Mme
Charier-Fillon.
FORMATION DU NOYAU
DE L'ARMÉE
CATHOLIQUE ROYALE DU
CENTRE
Le 13, le tocsin
sonne à
Saint-Fulgent. Trois
mille brigands s'en
emparent (1), ayant
à leur tête de
Royrand (2),
lieutenant-colonel
en retraite,
l'ancien garde du
corps Sapinaud de la
Verrie (3), son
parent, Sapinaud de
la Rairie (4), les
trois frères de
Béjarry (5), de
Rangot, de Baudry
d'Asson, etc., que
ces révoltés ont
contraint de marcher
à leur tête dès le
10 mars, car
redisons-le pour n'y
plus revenir,
presque tous les
nobles refusèrent du
premier abord de
s'associer à cette
révolte qu'ils
regardaient comme
une échauffourée
sans conséquence. Ce
fut par dévouement
sinon par force
qu'ils cédèrent à
cette voix du
peuple. Mais tous
étaient dominés par
la grande et
populaire figure de
Cathelineau, entouré
de ses quarante-deux
parents (6).
Après s'être emparé
de Saint-Fulgent,
les révoltés
chassent le
détachement de la
garde nationale de
Fontenay (7), qui
s'approchait du
bourg et coupe le
pont. Rouillé,
commissaire du
département, qui
accompagnait ce
détachement,
rétrograde sur
l'Oie, où il rejoint
les premiers
fuyards. Le soir du
13 il est à
Saint-Hermand, d'où
il écrit à ses
collègues pour avoir
des secours.
Saint-Hermand, 13
mars 1793 ; 7 heures
3/4 du soir.
Citoyens et
Collègues,
Je
viens de me replier
avec le reste de mes
forces et les
secours qui nous
arrivent à chaque
instant à
Saint-Hermand, où je
vais établir le
point de réunion.
J'expédie de suite
un courrier à La
Rochelle et à
Rochefort pour avoir
trois à quatre mille
hommes, de
l'artillerie, de la
cavalerie et des
munitions, l'ennemi
doit se porter cette
nuit à
Chantonnai pour
intercepter toute
communication, en
coupant le pont
Charron ;
on compte près de
vingt mille hommes
depuis Aigrefeuille
jusqu'à l'Oye, ce
nombre augmente à
chaque instant ;
nous avons à
combattre des chefs
expérimentés, des
hommes intrépides,
du canon et de la
cavalerie. Réclamez
les secours de
Poitiers et route,
envoyez-moi de suite
de la cavalerie et
une nombreuse
artillerie, des
madriers pour jeter
des ponts
provisoires, des
fonds et un
commissaire pris
dans votre sein,
pour partager mes
travaux. Je crains
que l'ennemi ne se
soit emparé de ma
correspondance et
qu'il ne se porte
sur La
Roche-sur-Yon.
Signé : ROUILLÉ
P. S. Faites marcher
cette nuit tous les
secours que vous
pourrez m'envoyer,
et remettez au
collègue que vous
m'adjoindrez le
cachet du
département.
JOUSSEMET (8)
Pour
copie conforme,
Signé : COUGNAUD
(1) Fillon, dans les
pièces
contre-révolutionnaires,
prétend que
Saint-Fulgent fut
livré par le
procureur même de la
commune Gautier, et
par l'aubergiste
Lusson. (Chassin,
T.IIIi, page 325).
Il paraît que
Lappara, président
de la société
populaire de
Fontenay, aurait été
fait prisonnier par
les rebelles,
emprisonné à
Saint-Fulgent et
quelques semaines
plus tard massacré
par les chefs
insurgés.
(2) De Royrand,
ancien
lieutenant-colonel
du régiment de
Navare, garda son
commandement à
travers la campagne
d'outre-Loire
jusqu'au siège de
Granville, et mourut
le 5 décembre 1793,
à Beaugé, des suites
de blessures reçues
à la bataille
d'Entrammes.
(3) Sapinaud de la
Verrie, né en 1736,
dans la commune de
la Verrie, avait,
dit la Boutetière, «
salué avec joie
l'aurore brillante
de 1789 et était
imbu des idées du
XVIIIe siècle ». Ce
qui expliquerait
qu'entraîné dans le
mouvement
insurrectionel, il
ne croyait pas à son
succès. - Fut le 25
juillet 1793 tué
près du Pont
Charron, par le
général Tuncq.
(4) Sapinaud de la
Rairie, né le 3
décembre 1760 au
château du Sourdy,
commune de la
Gaubretière,
lieutenant au
régiment de Foix en
1789, prit part à
toute la guerre de
la Vendée jusqu'à la
paix de la Jaunaie,
qu'il signa avec
Charette comme chef
de l'armée du
centre. Il reprit
les armes en 1795 et
1814, - mourut le 20
avril 1829
lieutenant général,
cordon rouge et
chevalier de la
légion d'honneur,
comte et pair de
France. Il vivait au
Boisis, près de la
Gaubretière, lorsque
les insurgés vinrent
l'arracher de la
table de famille, et
l'emmenèrent presque
de force à sa maison
du Sourdy, où il
quitta ses habits
pour se déguiser en
paysan.
(5) Amédée de
Béjarry, l'un des
fils du seigneur de
Saint-Vincent-du-Fort-du-Lay,
né à Luçon en 1769,
mort en 1844, était
destiné à l'état
ecclésiastique et
avait fait ses
études au séminaire
de Saint-Sulpice. Il
forma avec de
Verteuil les
premières bandes du
rassemblement de
l'Oie. Après avoir
pris part aux
diverses batailles
autour de Luçon, il
passa la Loire avec
Royrand, et se cacha
en Bretagne après la
déroute du Mans, où
il avait été mis
hors de combat. Il
prit une très grande
part à la
pacification de la
Jaunaie, ce qui le
fit accuser de
trahison par
Stofflet. Il alla à
Paris avec Scépeaux,
auprès du Comité du
salut public, sous
prétexte de
s'entendre sur le
maintien de la paix,
en réalité (d'après
la Fontenelle de
Vaudoré), pour
entrer en relations
avec les agents des
Princes et tenter
l'enlèvement de
Louis XVII.
Accompagné de son
frère Auguste (né en
1767, mort en 1824),
il reprit les armes
sous Charette et
Stofflet : abandonné
de ses troupes, il
se rendit et resta
en prison à Fontenay
jusqu'au Consulat.
Les de Béjarry
furent encore mélés
au mouvement de
1814-1815.
(6) Sur ces
quarante-deux,
trente-six périrent
dans les guerres de
l'Ouest. Perrine
Godin, cousine
germaine de
Cathelineau, fut
tuée les armes à la
main le 16 octobre
1793, à la bataille
de Cholet.
(7) Envoyée contre
les rebelles à la
suite d'un
Réquisitoire du
département de la
Vendée, en date du
13 mars 1793, signé
Cavoleau, président,
et Cougnaud,
secrétaire général.
(8)
Original, collection
Fillon - communiqué
par Mme
Charier-Fillon.
LES MARCHES DE
POITOU ET DE
BRETAGNE
Le 12, les paysans
des paroisses de
Boussay, de la
Bruffière, Cugand,
Gétigné et autres,
composant les
Marches communes de
Bretagne et du
Poitou, après avoir
tué à l'Echasserie
le propriétaire
Servanteau,
inspecteur des
gardes nationales de
Cholet, se
présentent menaçants
devant Tiffauges,
défendu par une
poignée d'hommes mis
à la disposition de
la ville par
Mortagne (1). Ces
hommes, au nombre de
vingt-trois,
devaient être
fusillés le
surlendemain avec
leur commandant
Douhet à L'angle
sud-est du parc de
la Barillère, près
Montaigu.

Le vieux Château de
Tiffauges. (Vue
prise au sud) -
D'après un cliché de
M. Arsolier
(1) Quelques jours
après ces événements
(6 avril, 1793),
d'Elbée, Bérard et
Sapinaud chargeaient
Guy Guerry de
Tiffauges de faire
toutes démarches
pour obtenir de
l'Espagne ou de
l'Angleterre la
poudre qui leur
manquait. On ne
saurait trop blâmer
cet appel à
l'étranger.
OCCUPATION DES
HERBIERS ET DE
MORTAGNE
CAMP DES
QUATRE-CHEMINS DE
L'OIE
Le 14 mars, le noyau
de l'armée du
Centre, renforcé des
paysans de la
Verrie,
Saint-Martin-Lars,
la Gaubretière,
etc., aux ordres de
Sapinaud, occupe les
Herbiers et Mortagne
et s'avance vers
Chantonnay, après
avoir établi aux
Quatre-Chemins de
l'Oie, son quartier
général, « un
rassemblement
permanent, une sorte
de place de guerre »
empêchant l'entrée
au cœur de la Vendée
des forces réunies à
Fontenay, et de
celles attendues de
La Rochelle.
Le même jour les
administrateurs du
district de la
Roche-sur-Yon,
entourés par les
bandes menaçantes de
Chouppes et de
Bulkeley se
retiraient avec les
papiers et la caisse
à Beaulieu, près
Mareuil.
BATAILLE, PRISE ET
REPRISE DE
CHANTONNAY
(15 et 17 Mars 1793)
Le 15 mars au matin,
une partie de
l'armée royale
attaqua Chantonnay.
Les patriotes
réussirent d'abord à
repousser les
brigands dans les
bois, mais ceux-ci
revenant en plus
grand nombre, il
fallut évacuer la
place et c'est à
grand'peine qu'on
put sauver la pièce
de canon envoyée de
Fontenay.
Le lendemain, le
général de Marcé,
qui bivouaquait au
Pont-Charron, avait
également subi une
défaite, mais il
allait reprendre
l'offensive (1).
Le 17 mars au matin,
le général de Marcé,
à la tête des gardes
nationales des
districts de
Rochefort, de La
Rochelle, de
quelques soldats du
60e régiment
d'infanterie et de
deux pièces de
canon, attaqua entre
le Pont-Charron et
Chantonnay la
section des rebelles
qui gardait ce
dernier poste sous
le commandement de
Sapinaud de la
Verrie.
Après une énergique
résistance les
Vendéens furent
culbutés, sous les
yeux du commissaire
national Niou,
laissant sur le
champ de bataille 40
morts, dont un
prêtre, et trois
petits canons pris
aux Herbiers. Il n'y
eut de blessés du
côté des
républicains que le
lieutenant-colonel
Laborie, le
capitaine de
gendarmerie Garnier
et un cavalier (2).
(1) Les généraux de
Verteuil et de Marcé
avaient été par
Bouron, procureur
général syndic de la
Vendée, requis, le
14 mars, de marcher
contre les rebelles.
(2) Chassin. - La
Préparation de la
guerre de Vendée.
BATAILLE DE
SAINT-VINCENT-STERLANGES
DÉROUTE DE GRAVEREAU
(19 Mars 1793)
Enhardi par ce
succès, le Général
de Marcé résolut de
forcer le camp des
Quatre-Chemins de
l'Oie. Le 19 mars,
vers midi, l'armée
républicaine,
comprenant 3.500
hommes d'infanterie,
100 hommes de
cavalerie et 8
pièces de canon, se
dirigea de
Chantonnay vers
Saint-Vincent-Sterlanges.
Après avoir fait
rétablir par
l'avant-garde le
pont de Gravereau,
détruit par les
Vendéens les
patriotes
franchirent le
Petit-Lay. A deux
heures, l'armée
ayant pris position
sur le plateau de
Gravereau se vit
entourée par de
nombreux partisans
vendéens.
Le général de
Marcé donna aussitôt
le signal de
l'attaque ; mais le
canon avait à peine
commencé à tirer que
Niou, trompé par la
Marseillaise des
Vendéens, crut
que la troupe qui
était en face
l'armée républicaine
n'était autre que la
légion nantaise qui
venait se réunir à
ses frères d'armes :
le feu cessa malgré
les observations du
général. Ce
malheureux conflit
entre le pouvoir
civil et le pouvoir
militaire avait
retardé de deux
heures la marche des
opérations, et
permis aux Vendéens
de porter à leur
gauche et à leur
droite des troupes
cachées par les
haies. En vain les
chasseurs de Niort
font des prodiges de
valeur, en vain
l'artillerie dirige
ses engins
meurtriers sur le
gros de l'armée des
rebelles, en vain le
général de Marcé,
entouré de ses deux
fils, encourage de
la voix, du geste et
de l'exemple ceux
qui l'entourent ;
les Vendéens sont
les maîtres du
terrain. Une panique
s'empare des troupes
républicaines qui
fuient épouvantées
jusqu'à
Sainte-Hermine. Un
homme seul, Boulard,
commandant en
second, conserve le
sang-froid pendant
que les commissaires
Niou, Auguis et
Carra délibèrent au
lieu d'agir. A
chaque instant on
croit voir les
brigands, on croit
entendre leurs
hurlements. On part,
on prend la route de
Marans, on entre à
La Rochelle. On
abandonne par cette
manœuvre 20 lieues
de terrain. On
laisse Fontenay,
Luçon, Niort, Marans
à la merci des
brigands. Il fallait
une victime :
l'infortuné de Marcé
fut destitué,
emprisonné et
condamné plus tard à
la peine de mort par
jugement du tribunal
révolutionnaire en
date du 28 janvier
1794 (1).
(1) La défaite de
Saint-Vincent ou du
Pont de Gravereau
eut lieu le même
jour que la trahison
de Dumouriez à
Nerwinde.
AUTRES SOULÈVEMENTS
Avec la nouvelle de
la déroute de
Gravereau arrivait
au chef lieu du
département
l'annonce d'autres
insurrections. La
Châtaigneraie,
Bressuire,
Parthenay, Thouars,
étaient menacés par
les brigands des
environs soulevés.
C'est en vain que
les communes
patriotes du marais
de Luçon demandaient
des armes pour
lutter contre
l'insurrection (1) ;
le désarroi était
partout, et l'envoi
à Paris de Séverin
Pervinquière et de
Mercier du Rocher,
pour demander des
secours à la
Convention fut
décidé (2).
(1) Tous les
bourgs du marais
envoyaient des
contingents, et le
maire de
Saint-Michel-en-l'Herm,
Brechoteau,
informait les
administrateurs du
département que des
corsaires étaient en
vue des côtes de
l'Aiguillon-sur-Mer,
- que quatre hommes,
descendus d'un
navire en rade de
l'Aiguillon, s'étant
rendus au bourg
avaient pris des
informations sur
l'état des esprits
et des richesse du
pays, - qu'ils
avaient ensuite
visité la côte
depuis les vignes
jusqu'à la pointe
pour voir s'il y
avait des canons. Le
même magistrat
demandait du canon
et faisait connaître
que les habitants de
l'Aiguillon, étaient
sans armes et peu
nombreux, et
qu'obligés de monter
la garde toute la
nuit, ils n'avaient
pu envoyer que
quatre des leurs à
Saint-Hermand.
(Extrait de Chassin,
La Vendée patriote).
(2) Ils
arrivèrent à Paris
le 23 mars, avec le
délégué des
Deux-Sèvres,
Morisser (Voir le
compte-rendu dans
Chassin.) - La
préparation de la
guerre de Vendée, T.
III, page 517, et La
Correspondance des
chefs, 525 à 538.
REVERS ET SUCCÈS DE
CHARETTE. -
TENTATIVES
INFRUCTUEUSES CONTRE
LES SABLES-D'OLONNE
(24 et 29 mars 1793)
Dans les marais de
Machecoul, de
Challans, de
Beauvoir, de
Saint-Jean-de-Monts,
dans la région de
légé, Palluau et
Vieillevigne,
Charette et ses
lieutenants
luttaient avec moins
d'avantage contre
l'armée
républicaine. Si
Savin avait écrasé à
Palluau les
républicains sortis
des Sables, ses
collègues Jolly et
de la Sécherie,
aidés par Chouppes
et Bulkeley avaient
complètement échoué
dans deux tentatives
faites contre cette
ville, les 24 et 29
mars (Dimanche des
Rameaux et Vendredi
Saint). Charette
lui-même faisait
deux tentatives
inutiles, l'une sur
Challans, l'autre
sur Saint-Gervais et
perdit Machecoul
(1), son quartier
général, qui fut
occupé par le
général républicain
Beysser. Malgré ces
revers, Charette
n'était point abattu
et nous le verrons
bientôt prendre sa
revanche d'une
manière éclatante.
(1) Tristement
célèbre par les
atrocités qu'y
commirent les
Vendéens sous les
ordres de Souchu, et
qui se renouvelèrent
à Légé, à Montaigu,
aux portes de
Paimbœuf et surtout
à Pornic, envahi par
les bandes de la
Roche-Saint-André et
de l'ignoble Souchu
(Pitre-Chevalier,
page 392). Un
écrivain de nos
jours, Alfred Lallié
(Le district de
Machecoul 1788-1793)
a consacré des pages
remarquables pour
prouver que ce sont
les massacres de
Machecoul qui ont eu
les premiers torts :
nous regrettons de
ne pouvoir
complètement
accepter le système
de l'honorable
écrivain, bien que
nous reconnaissons
volontiers que tous
les torts ne furent
pas du côté des
Vendéens.
PROGRÈS DE
L'INSURRECTION
Cependant ces revers
partiels ne
pouvaient compenser
les conquêtes de
l'insurrection ni
suspendre ses
rapides progrès.
Elle s'étendait dans
le marais, depuis
les environs de
Nantes jusqu'aux
Sables, et dans
l'Anjou et le Poitou
jusqu'aux environs
de Vihiers et de
Parthenay. Elle
avait rassemblé plus
de sept cents
communes sous ses
drapeaux, et tout le
territoire de la
Vendée, à
l'exception du
district de
Bressuire était en
son pouvoir.
DÉCRET DE MISE HORS
LA LOI
(19 Mars 1793)
La Convention qui,
jusque-là, avait
ignoré la véritable
situation de la
Vendée et
s'obstinait à ne
voir dans cette
insurrection qu'un
événement sans
importance, alors
qu'elle luttait
contre l'Europe
entière, lançait le
19 mars un décret de
mise hors la loi
contre tous les
habitants qui
avaient pris ou
prendraient un signe
de rébellion. Cette
mesure extrême
surexcita les
esprits et n'eut
d'autre effet que de
fortifier la
révolte.
SUCCÈS DU GÉNÉRAL
RÉPUBLICAIN BOULARD
PRISE DE CHALLANS,
SAINT-GERVAIS,
BEAUVOIR,
NOIRMOUTIER ET
MACHECOUL (7, 12,
14, 29 Avril)
Dans les premiers
jours d'avril, le
lieutenant-colonel
du 60e régiment,
Boulard (1), nommé
général aux lieu et
place du malheureux
de Marcé, reçut,
l'ordre de former
une colonne et de
pénétrer dans la
Basse-Vendée en
suivant la côte. Le
7 avril, Boulard,
parti des Sables à
la tête de 3.500
hommes d'infanterie
et de 200 cavaliers,
battait le 8 les
Vendéens à la
Grassière près la
Mothe-Achard. Le 9
il était à
Saint-Gilles, où
trois frégates et
trois corvettes
républicaines
vinrent mouiller.
Poursuivant sa
marche vers
Noirmoutier il
s'empare le 13 avril
de Challans ; le 14
il prend possession
de Beauvoir et de
Saint-Gervais, où
huit mille Vendéens
l'attaquent le
lendemain avec
impétuosité mai en
vain. Le 15, la
division Esprit
Baudry, qui était
allée reconnaître la
route de Noirmoutier
est entourée par
3.000 hommes
commandés par
Charette et Gaston.
Les royalistes,
vivement canonnés
sont mis en déroute
et se retirent vers
Palluau, laissant
sur le champ de
bataille Gaston, le
mystérieux
perruquier de
Saint-Christophe-du-Ligneron.
Vainqueur encore à
Port-Saint-Père, à
Machecoul (25
avril), à Bourg-Neuf,
à Aizenay (29
avril), il avait
reçu le 29 avril la
soumission de
Noirmoutier, où le
27 avril l'amiral
Joyeuse avait opéré
une descente.
(1) Né à Paris le
25 novembre 1741.
SUCCÈS DE CHARETTE A
LÉGÉ, SAINTE-PAZANNE,
SAINT-COLOMBIN,
MACHECOUL (30 Avril
6 Mai). - POSITION
CRITIQUE DES ARMÉES
RÉPUBLICAINES DANS
LA BASSE-VENDÉE
Charette avait fait
sa retraite sur Légé,
abandonné d'un grand
nombre des siens ;
mais dans ce moment
d'adversité il
déploya toute
l'énergie de son
caractère. Tandis
qu'on le croit sans
ressources, il met
complètement en
déroute le 30 avril
l'adjudant général
Bois-Guyon, qui
était venu
l'attaquer
imprudemment à Légé
et lui prend ses
munitions et son
artillerie.
Poursuivant ses
succès il bat les
républicains à
Sainte-Pazanne, à
Saint-Colombin, où
il écrase le 6 mai
1.200 républicains,
et à Machecoul, où
l'ancien régiment de
Lamark passe aux
Vendéens avec armes
et bagages. Le 17
mai les seuls postes
de la Basse Vendée
occupés par les
républicains étaient
le Port-Saint-Père,
La Mothe-Achard,
Challans,
Saint-Gilles et la
ligne des Sables à
Luçon (1).
(1) Mareuil avait
été le 3 mai enlevé
aux troupes de
Saint-Pal et
Chouppes, qui en
avaient pris
possession le 28
avril. Le 10 mai, le
district de la
Roche-sur-Yon se
rendit tenir ses
séances à Mareuil.
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