LA VENDÉE DEPUIS LA CONVOCATION DES NOTABLES
(JANVIER 1787)
JUSQU'AU GRAND SOULÈVEMENT DE MARS 1793
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
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Depuis
longtemps déjà, des signes nombreux, avant-coureurs
des grandes révolutions, annonçaient, même aux plus
optimistes, que nous touchions à de graves
événements qui devaient modifier de fond en comble
les institutions de la vieille monarchie française.
Ces institutions, qui avaient, pendant de longs
siècles, rendu de réels services et fait de notre
pays un état puissant et homogène, n'étaient plus à
la fin du XVIIIe siècle en harmonie avec les idées.
Sous l'influence des grands écrivains et des grands
philosophes, le mouvement intellectuel était devenu
immense : partout les esprits cherchaient la vérité,
l'ordre, la raison de toutes choses : la foule
lisait, écrivait, discutait. L'Esprit des lois (1)
avait eu vingt-deux éditions en dix-huit mois. Les
livres proscrits se communiquaient mystérieusement
sous le manteau, et par l'influence d'une puissance
nouvelle, insaisissable, inattaquable, l'opinion
publique, les vœux unanimes du pays, s'élevaient
pour condamner les institutions du temps, restées en
arrière pendant que les esprits avaient marché en
avant.
La France, tombée de siècle en siècle, de la
Monarchie représentative de Clovis et de Charlemagne
à la Monarchie absolue de Louis XIV et de Louis XV,
voulait voir renaître sous une forme nouvelle ces
assemblées nationales où toutes les classes votaient
par milliers ; en un mot l'identification du
monarque avec son peuple et l'administration du pays
par le pays.
La société, féodale dans sa constitution, mais
moderne par l'esprit, les aspirations, la hardiesse
de la pensée, était donc prête pour une révolution
que tout indiquait comme devant être prochaine. Des
causes diverses l'avaient préparée, l'état
déplorable des finances allait en précipiter le
dénouement.
Econome et simple pour lui-même jusqu'à l'austérité,
Louis XVI laissait les dépenses de la reine, du
comte d'Artois et de la cour monter, en huit ans,
jusqu'à 861 millions. Bientôt la dette s'éleva
progressivement à un milliard, et le ministre fut
contraint de demander une assemblée de notables pour
lui faire sanctionner les projets de Turgot et de
Necker auxquels il fallait enfin revenir.
Les
notables furent convoqués à Versailles pour le 29
janvier 1787.
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NOTES:
(1)
Liste des souscripteurs à l'Encyclopédie, domiciliés
dans le ressort de Fontenay (1788) : David-Pierre
Ballard (l'abbé), Curé du Poiré-de-Velluire.
- Biarge (l'abbé de), Archidiacre et Vicaire
Général de Luçon. - Bonamy de Bellefontaine,
Maître particulier des eaux et forêts. - Bouron,
Avocat du Roi au siège royal. - Cabinet
(le), de lecture de Fontenay. - Cercleron
(l'abbé), Vicaire de la Châtaigneraie. - Chessé,
Procureur à Fontenay. - Cormasson (l'abbé),
curé de Saint-Médard-des-Prés. - Coudraye (le
chevalier de la), Officier de la marine royal. -
J.-Gabriel Gallot, Médecin à
Saint-Maurice-le-Girard. - Gandillon
(l'abbé), Chanoine et Secrétaire de l'Evêché de
Luçon. - Claude-Victor Giraudeau (l'abbé),
Professeur à Fontenay. - J. Augustin Poëy
d'Avant, Receveur des domaines et contrôleur des
actes. - Queré, Avocat à Fontenay. -
Rozand (l'abbé), Grand Vicaire de Luçon (A).
(A)
Extrait des papiers de Cochon de Chambonneau,
imprimeur à Fontenay, et de ceux de Renaudin,
libraire. - Archives de Fontenay, T. V, page
643.
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RÉUNION DES NOTABLES
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Cette
réunion, composée des princes, des ducs et pairs,
des prélats, des députés de la noblesse et de
quelques rares représentants du tiers-état, s'opposa
vivement à l'abolition des privilèges, obtint le
renvoi et l'exil de Calonne et se sépara sans rien
conclure (25 mai 1787).
Néanmoins, sous la pression de
l'opinion publique, Louis XVI rendit, le 22 juin, un
édit prescrivant dans tout le royaume
l'établissement
d'assemblées provinciales.
Un
second édit du 12 juillet ordonna dans notre
province, pays d'élection (1), la formation
« d'une assemblée provinciale et d'assemblées
d'élections et de communautés ou assemblées
municipales ».
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NOTES:
(1) C'est-à-dire où l'impôt était réparti par
l'intendant, et où les différends qui pouvaient
s'élever entre les collecteurs et les contribuables
étaient jugés par des magistrats appelés élus.
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L'ASSEMBLÉE PROVINCIALE DU POITOU
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L'assemblée provinciale du Poitou tint sa première
session du 25 au 29 août 1787. Y figuraient, pour le
Bas-Poitou :
1°
pour l'ordre du clergé
De Mercy,
évêque et baron de Luçon.
De Rozand,
vicaire général.
De Fresne,
abbé des Fontenelles.
2°
pour l'ordre de la noblesse
Le
marquis de Saint-Sulpice-en-Pareds.
Le marquis de Régnon de Chaligny,
seigneur de la Genétouze.
Le comte de Chasteigner,
seigneur de Saint-Michel-le-Cloucq.
3°
pour l'ordre du tiers-état
Perreau de la Franchère,
écuyer du roi.
Duval de la Vergne,
président des trésoriers de France, au bureau des
finances de Poitiers.
Bouron,
avocat du roi en la sénéchaussée de Fontenay.
Coutouly,
sénéchal de Luçon.
Cadou, chef
de division des canonniers gardes-côtes aux Sables.
Desayvres,
lieutenant particulier en la sénéchaussée.
Procureur-syndic
Robert de Lézardière,
du Poiroux.
Secrétaire-greffier
Giraudeau,
avocat.
Cette
réunion préliminaire, composée des personnages
désignés par le roi, avait principalement pour objet
: 1° de nommer les membres qui, avec ceux choisis
par le roi, devaient compléter l'assemblée ; 2°
d'élire le membre du clergé, celui de la noblesse,
et les deux représentants du tiers-état qui, avec
les deux procureurs-syndics et le
secrétaire-greffier, devaient composer la commission
intermédiaire, sorte de délégation chargée de la
direction des affaires de la province, dans
l'intervalle des sessions.
Le 12
novembre, l'assemblée provinciale du Poitou, qui
comptait dans son sein Savary de Calais, maire de
Fontenay, Brisson et Bouron, avocats, et Testard,
notaire, commença sa seconde session, pendant
laquelle on s'occupa surtout de rapprocher en
quelque sorte notre province de tous les points de
la France par l'ouverture de grandes routes, la
création de canaux et l'amélioration des cours d'eau
navigables.
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MANIFESTATIONS DIVERSES EN FRANCE
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Pendant que notre province faisait l'essai d'une
nouvelle forme d'administration, de grands
événements, précurseurs d'autres plus grands encore,
se préparaient de toutes parts en France.
Le
Parlement de Paris était exilé à Troyes et remplacé
par une cour plénière contre laquelle protestaient
et les Parlements de province et l'Université. La
Normandie s'agitait pour le maintien de ses
privilèges et de sa quasi-indépendance. Les États du
Dauphiné s'étaient réunis d'eux-mêmes à Vizille,
berceau paternel de la famille de Casimir Périer,
ancien président de la République française.
L'altière Bretagne était en feu et une grande
députation, composée des trois ordres, était arrivée
à Paris le 15 août, bien décidée à parvenir au roi,
morte ou vive, pour obtenir l'élargissement des
députés bretons enfermés à la Bastille et
l'exécution du pacte de l'Union.
En
disputant ses derniers privilèges à la Royauté, la
Bretagne, par suite de la fatalité des choses,
hâtait la Révolution qui devait abolir tous les
privilèges.
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MANIFESTE NANTAIS
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C'est
de Nantes que devait partir le premier manifeste de
l'insurrection bourgeoise, comme la première
étincelle de l'insurrection populaire en était
partie sous Louis XIV. La commune et les notables de
cette ville réclamèrent par délibération publique du
6 octobre 1788 : 1° le nombre des députés du Tiers
égal à celui de la noblesse et du clergé réunis ; 2°
un procureur général syndic pour chaque ordre et le
partage alternatif de la charge de greffier en chef
; 3° l'adjonction des curés non nobles, après dix
ans de rectorat ; 4° l'égale répartition de l'impôt
entre tous les citoyens des trois ordres : 5°
l'abolition de la corvée en nature ; 6° le droit
pour tout Breton payant une capitation de douze
livres, de s'assembler dans chaque paroisse et de
nommer des députés, lesquels assemblés à leur tour
dans la ville épiscopale, éliraient entre eux leurs
représentants aux Etats.
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CONTRE-COUP A FONTENAY-LE-COMTE
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Comme
le premier coup de foudre dans un ciel chargé
d'orage, cette manifestation avait enflammé une
partie de la Bretagne et de l'Anjou, et l'écho en
avait retenti jusqu'à Fontenay, où depuis longtemps
déjà beaucoup de nobles esprits étaient mûrs pour la
Révolution. - En 1787, alors que la convocation des
Etats-Généraux n'était pas encore décidée, René
Esnard avait adressé à l'illustre Necker un mémoire
qui contenait la quintessence des réformes opérées
depuis, et en 1788, Bouron, avocat du roi, faisait
paraître une vigoureuse brochure intitulée :
Moyens de sauver le royaume de la banqueroute.
Dès le
23 octobre 9.788, l'assemblée du département de
Fontenay-le-Comte s'occupait des formes à employer
dans la convocation et la formation des
Etats-Généraux et discutait les mémoires (1)
présentées à cet effet par deux bas-poitevins
distingués : le marquis de La Coudraye, alors syndic
du corps de ville de Luçon, et de Lapparat,
conseiller au siège de Fontenay.
Dans
un langage inspiré par le plus pur patriotisme et
les plus nobles sentiments, nos devanciers, par
l'organe du rapporteur, déposaient au pied du trône,
en même temps que leurs vœux pour le bonheur du
monarque, l'exposé digne et ferme de leurs
revendications légitimes, dont la plupart devaient
quelques mois après être contenues dans la fameuse
déclaration des droits de l'homme.
Le 30
du même mois, sur la proposition du maire Savary de
Calais, le corps de ville, à l'unanimité, adhérait
en tout son contenu aux desiderata des officiers
municipaux de la ville de Nantes dont nous avons
parlé plus haut.
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NOTES:
(1)
Celui de La Coudraye, que nous avons sous les yeux
et qui fait partie de la collection B. Fillon, est
un chef-d'œuvre de logique et de bon sens.
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ÉTAT
DES ESPRITS A LA FIN DE L'ANNÉE 1788S
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La
monarchie mourante se débattait inutilement ; une
force invincible la poussait à cette convocation de
la nation qui lui inspirait tant de terreurs.
En
attendant la réunion des États-Généraux, les
représentants des trois ordres réunis à Fontenay le
24 décembre 1788, mus par une même pensée de
concorde et de sages réformes, réclamaient pour le
Poitou l'organisation d'états particuliers, comme
ceux du Dauphiné ; cette organisation était trop
tardive. Dans cette période où nous entrons,
l'événement le plus inattendu va
déchaîner les tempêtes : la moindre étincelle
allumer un grand incendie.
A la
fin de l'année 1788, les esprits étaient dans un
état de fermentation indescriptible. A l'exemple de
l'Angleterre, se formaient des assemblées qui, sous
le nom de clubs, ne s'occupaient que des abus à
détruire, des réformes à opérer.
A nos
portes, la tenue des États-Généraux de Bretagne
surtout avait été orageuse et la noblesse et le
clergé, invoquant l'article 22 du contrat qui les
liait à la France, s'opposaient violemment à la
convocation des États-Généraux.
Historiquement et logiquement la
noblesse avait cent fois raison :
mais c'est une preuve de plus qu'en fait de
politique, la logique aboutit quelquefois à
l'immobilité, c'est-à-dire à la mort.
Les
gentilshommes bretons ne comprirent pas que le jour
de l'avènement du Tiers et de l'unité française
était arrivée. Inébranlables comme le granit de
leurs manoirs et comme les chênes de leurs forêts,
invariables dans leur antique devise : Potius
mori quam fœdari - Plutôt la mort qu'une souillure
; ils aimèrent mieux mourir que de sacrifier leur
manteau d'hermine ou d'aller conspirer à Coblentz
contre leur patrie. Ce fut une grande erreur, mais
une erreur glorieuse, du moins pour ceux que nous
verrons, fidèles à leur serment, tomber en héros ou
en martyrs sur le champ de bataille ou sur la
guillotine, et cette erreur devait être partagée par
la plupart des gentilshommes bas-poitevins.
Opposition bien inutile ; le vent de la Révolution
agitait toutes les têtes comme un océan près de se
déchaîner, et en Bretagne comme ailleurs, le Tiers
allait l'emporter de haute lutte sur les ordres
privilégiés.
Le
programme de la Révolution était tracé, et la nation
n'avait plus qu'à exécuter le plan de campagne de
son audacieux tacticien Siéyès.
Ce
plan, tout le monde le connaît, et nous ne nous
attarderons pas à le rappeler.
Dans
la noblesse bas-poitevine même, brave et toujours
agitée, chez laquelle les mœurs patriarcales (1)
s'étaient conservées presque dans toute leur pureté,
et où le régime féodal était loin de peser sur le
peuple comme dans le reste de la France, des esprits
supérieurs à leur siècle et auxquels nous sommes
heureux de rendre ici un solennel hommage,
attaquaient eux-mêmes ces institutions séculaires,
qui n'étaient plus en rapport avec l'esprit public
ni avec les mœurs.
Le marquis de la Coudraye, né à
Luçon, vers 1740, publiait par souscription, à
Fontenay, un Mémoire en faveur du cardinal de
Rohan (affaire du collier de la Reine) et plus
tard un Mémoire contre la,
corvée.
Mlle
de Lézardière elle-même, née au Poiroux, écrivait à
la même époque l'ouvrage célèbre intitulé : La
théorie des lois politiques de la monarchie
française, dont nous parlons dans un autre
chapitre.
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NOTES:
(1)
« Le château regorgeait de chevaliers sans apanages,
d'abbés sans bénéfices... Il en élait de même à
l'office, ou les domestiques, depuis des siècles,
parties intégrantes de la maison, conservaient avec
eux leurs enfants et les enfants de ceux-ci ». - «
La noblesse de l'Ouest au moment de la Révolution,
par Baguenier-Désormeaux - Revue du Bas-Poitou, Ve
année, page 205. »
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CONVOCATION DES ÉTATS-GÉNÉRAUX ET DEMANDES DES TROIS
ORDRES DU BAS-POITOU
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Le
récit des événements qui se passaient à Rennes avait
produit dans le Bas-Poitou une certaine
fermentation. A Fontenay surtout, les esprits
étaient agités, et l'on craignait que les élections
aux États-Généraux, qui s'annonçaient comme devant
être proches, n'eussent pas le caractère calme qui
leur convenait, et que des influences plus ou moins
occultes n'essayassent de fausser le verdict du
pays. Dans cette pensée, les officiers de la
sénéchaussée de Fontenay demandaient, dès le 9
janvier 1789, à Necker, qu'une convocation directe
fut adressée aux électeurs de leur ressort.
Enfin,
le 24 janvier, parut la lettre de convocation des
États-Généraux à Versailles pour le 27 avril. Cette
lettre, accomgagnée d'un règlement sur la forme des
élections, reconnaissait le doublement du Tiers (600
députés pour ce dernier, 300 pour la noblesse, 300
pour le clergé, en tout 1.200 députés). Elle
invitait également les électeurs à se préoccuper de
la rédaction des Cahiers qui devaient contenir en
substance l'ensemble des desiderata des trois ordres
(1).
Le cahier de la noblesse bas-poitevine réunie à
Fontenay, était marqué au cachet d'un certain
libéralisme, dû en grande partie aux principes
généreux que professait le principal rédacteur, le
chevalier Loynes de la Coudraye. La noblesse
renonçait notamment aux privilèges pécuniaires dont
elle jouissait et consentait à supporter les charges
publiques dans une parfaite égalité, en proportion
des fortunes et des propriétés, et admettait le
principe que pour faire la loi, il fallait le
concours du prince de la nation. Mais aussitôt
après, elle demandait le maintien et la conservation
de tous ses autres droits, prééminences,
prérogatives, distinctions et propriétés, etc. Sous
l'influence de Robert de Lézardière, elle imposait à
ses députés « le mandat très impératif de ne voter
que par ordre », et se prononçait contre
l'innovation « insolite, inadmissible pour l'avenir
», de la représentation du Tiers en nombre double de
celui accordé aux deux ordres de l'État.
La
majorité des membres du clergé exigeait surtout que
le catholicisme demeurât la seule religion
autorisée, que les emplois ne fussent accordés
qu'aux catholiques, que la censure fut maintenue et
l'éducation des enfants confiée aux ecclésiastiques.
Sous
l'influence des curés, le tiers-état du clergé
demandait que le mode de perception des dîmes et du
boisselage, qui pesait si lourdement et si
inégalement sur le peuple des campagnes, fut
réglementé d'une façon plus équitable (2).
Le
tiers-état, qui n'avait point de privilèges à
maintenir, mais des droits à revendiquer, réclamait
hardiment, par l'organe de la sénéchaussée de
Fontenay, une constitution nouvelle du gouvernement
et de la société. Dans beaucoup de cahiers, il était
expressément enjoint aux députés du Tiers de ne
consentir à aucun subside que la déclaration des
droits de l'homme ne fut passée en loi. La question
des principes dominait presque partout la question
d'intérêts particuliers. Le vote par tête, l'égalité
complète des citoyens devant la loi et devant
l'impôt, l'abolition du droit d'aînesse, des
servitudes féodales, la réforme des codes, la
permanence des états en leur périodicité, la liberté
de la presse, la liberté du commerce et de
l'industrie, étaient presque unanimement réclamées.
Il n'en fut pas ainsi en ce qui concernait la
liberté de conscience, et seule dans le Bas-Poitou,
l'assemblée du bailliage de Vouvent, dont le célèbre
docteur protestant Gallot était membre, reçut les
doléances des réformés.
La
sénéchaussée de Fontenay-le-Comte entre autres
choses, proposait pour combler le déficit,
l'aliénation au profit de l'Etat d'une partie des
biens destinés aux services des autels, des
honoraires fixes de 1500 livres pour les curés, de
750 pour les vicaires, en un mot la gratuité de
toutes les fonctions du ministère et l'entière
abolition du boisselage.
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NOTES:
(1)
Michelet prétend que cinq millions d'hommes prirent
part à l'élection.
(2)
Le cahier des demandes, plaintes et doléances de
l'Ordre du clergé de la province du Poitou, assemblé
le 16 mars 1789, se trouve relaté dans l'Histoire
des évêques de Luçon, par de La Fontenelle de
Vaudoré, pages 868-869, etc.
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OPPOSITION DE LA NOBLESSE BAS-POITEVINE AU
DOUBLEMENT DU TIERS
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La
clause des « lettres royaux » portant doublement du
Tiers souleva dans une partie de la noblesse
bas-poitevine les plus violentes récriminations, et
à peine fut-elle connue, que sous l'inspiration du
marquis de la Coudraye, fut décidée pour le 28
janvier, une réunion préparatoire au couvent des
Cordeliers, aujourd'hui couvent des Ursulines de
Chavagnes.
Trente
et quelques gentilshommes s'y rendirent, et après
avoir protesté contre la tenue des Etats-Généraux,
ils décidaient l'envoi d'un message au roi et
l'expédition sans signature du billet suivant à tous
les gentilshommes de la province.
M...
«
Dans ce moment important oü la noblesse doit avoir à
cœur de conserver ses droits et ses privilèges, vous
êtes invité, comme membre de cet ordre, de vous
trouver à Fontenay-le-Comte, le 10 février au matin,
à la maison de l'Assemblée du bureau intermédiaire
du département. Vous êtes prié d'avertir, les
gentilshommes à portée de vous, du contenu de ce
billet, pour obvier à tout oubli involontaire ou
accident quelconque ».
Cette
réunion ayant provoqué quelque agitation dans la
ville et apprenant qu'une autre plus importante
devait avoir lieu le 10 février, le maire Savary de
Calais crut devoir convoquer pour le 9 le corps de
ville qui, à la suite du discours prononcé par le
premier magistrat, prenait la décision suivante.
«
L'assemblée proteste tant contre celle de la
noblesse, tenue en cette ville le 28 janvier
dernier, que contre celle qui doit se tenir demain,
10 de ce mois, contre tout ce qui a pu être arrêté
dans la première et contre tout ce qui pourrait
l'être dans la seconde, de contraire aux intentions
de Sa Majesté et aux droits de cette ville et
commune. »
Malgré
la protestation du corps élu, 200 nobles ou anoblis
se réunirent à nouveau dans la capitale du
Bas-Poitou, pour s'opposer à toute convocation des
Etats-Généraux.
La
noblesse du Haut-Poitou, convoquée à Poitiers le 15
février, ayant désavoué, en partie du moins,
l'attitude de celle du reste de la province, les
gentilshommes de notre région, au nombre clé 286, ne
s'en réunissaient pas moins les 17 et 18 février,
c'est-à-dire pour la 3e fois depuis 20 jours, à
Fontenay. N'ayant pas trouvé de salle pour tenir
leur séance, qui était en fait, illicite, ils se
rendent aux Cordeliers de la ville qui, moyennant
250 livres, mettent la chapelle à leur disposition.
Après des discussions orageuses qui durent deux
jours, ils se séparent, non sans avoir décidé, à la
majorité de 173 voix contre 113, de s'opposer au
doublement du Tiers et à tout ce qui pourrait porter
atteinte aux droits et privilèges attachés à la
qualité de gentilhomme.
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ORDONNANCE DE SAVARY DE BEAUREGARD, SÉNÉCHAL DE
FONTENAY-LE-COMTE, CONCERNANT LA CONVOCATION DES
ÉTATS-GÉNÉRAUX
(17 Février 1789)
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Le
jour où la noblesse bas-poitevine se réunissait pour
la 3e fois à Fontenay, afin de protester surtout
contre le doublement du Tiers, le sénéchal Savary de
Beauregard rendait une ordonnance fixant le mode de
publication « des lettres royaux » du 24 janvier
1789, dans toutes les villes, bourgs, villages et
communautés de son ressort.
Le 5
mars, toujours en vue des élections, on désignait,
pour porter à Poitiers le cahier de la sénéchaussée
de Fontenay et nommer des députés aux États-Généraux
:
De Bessé du Patis
(Henri), marchand.
Biaille de Germon
(François-Thomas), Procureur du roi des eaux et
forêts.
Bouron
(François-Anne-Jacques), Avocat du roi en la
sénéchaussée.
Chevallereau (Jacques-René), Lieutenant civil en la
sénéchaussée
Cochon de l'Apparent
(Charles), Conseiller en la sénéchaussée.
Pervinquière
(Mathieu-Joseph-Séverin), Avocat.
Testard
(Jacques-Pierre), Notaire.
Dupuy
(Pierre-Claude), Procureur du roi en la
sénéchaussée.
Savary de Calais
(L. T. N. Philippe), Maire (1).
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NOTES:
(1)
Documents de la collection B. Fillon - Le
procès-verbal des nominations des députés et
commissaires de la sénéchaussée et siège royal de
Fontany-le-Comte pour l'assemblée du Tiers-Etat à
Poitiers, du 7 mars 1789, donne le nom des 69 élus.
- Le premier nommé fut François-Anne Bouron, avocat
du roi à Fontenay, et le dernier Louis Levraud,
fermier à Saint-Michel-en-l'Herm.
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RÉUNION DES TROIS ORDRES POITEVINS A POITIERS
ATTITUDE DES DÉPUTÉS DU BAS-POITOU
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Les
électeurs de la noblesse, du clergé et du
tiers-état, chargés de nommés les députés aux
États-Généraux arrivèrent à Poitiers dans les
premiers jours de mars 1789.
Le 9,
par une température sibérienne, eut lieu dans la
chapelle des Jésuites, aujourd'hui chapelle du
Lycée, l'appel nominal des électeurs, en procédant
par lettres alphabétiques et par paroisse. Dans les
conciliabules tenus et les propos échangés au cours
des séances préparatoires, il fut facile de voir que
la noblesse du Bas-Poitou se montrerait beaucoup
moins conciliante que celle du Haut-Poitou, qui dès
le début fit force prévenance aux électeurs de
Fontenay, de Saint-Gilles, des Sables, etc.
Nous
ne parlerons point du cérémonial usité en pareille
circonstance... Il nous suffira de dire que si la
noblesse et le clergé déployèrent une grande
magnificence, une étiquette humiliante fut imposée
au tiers-état.
Mais
les hommes ne sont pas moins jaloux de leur dignité
que de leurs droits, et préludant au grand rôle
qu'ils allaient jouer bientôt et malgré leur
extérieur modeste, semblant fort de leur nombre et
de leur avenir, les députés de la bourgeoisie n'en
prirent pas moins une part active et brillante aux
discussions qui eurent lieu au sein de l'Assemblée
jusqu'au 4 avril.
Bouron
surtout, se signala par ses connaissances juridiques
profondes, par l'ampleur de ses vues et la sûreté de
son jugement, et le 19 mars, après une séance
mouvementée, provoquée par la lecture des cahiers de
Lusignan, Niort et Fontenay, il fut assez écouté
pour faire prendre comme base celui de sa ville.
Son
attitude énergique lui valut les suffrages de ses
collègues. Il eut, avec Biaille de Germon, procureur
du roi aux eaux et forêts de Fontenay ; Goupilleau
et Pervinquière, Cochon de l'Apparent, de la
sénéchaussée de Fontenay, et Auvynet, sénéchal de
Montaigu, Birotheau des Burondières, Lofficial et
Gallot, du bailliage de Vouvent, - La Châtaigneraie,
tous députés du tiers-état, et ses autres collègues
du clergé et de la noblesse ; De Mercy, évêque de
Luçon ; Dillon, curé du Vieux-Pouzauges, Richard de
la Vergne, recteur de la Trinité de Clisson ;
Ballard, curé du Poiré-sur-Velluire ; le marquis Le
Clercq de Juigné et le chevalier de la Coudraye,
l'honneur d'aller s'asseoir aux États-Généraux, à
côté de cette pléïade de penseurs et d'orateurs
puissants, qui initièrent la France à la liberté, et
dont la plupart payèrent hélas de leur sang cette
redoutable initiation.
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ETATS-GÉNÉRAUX DE 1789.
(ATTITUDES DES DÉPUTÉS POITEVINS)
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Enfin
sonna la dernière heure du monde féodal et la
première du monde nouveau, le 5 mai 1789. La
première scène de la Révolution fut un jour
d'ivresse et d'espérance que devaient suivre hélas
d'autres jours de deuil, que l'historien ne peut que
regretter et blâmer.
On
sait l'opposition des ordres privilégiés à la
vérification des pouvoirs faite en commun, elles
séances orageuses. qui en furent la conséquence ; -
on connaît moins bien l'attitude digne d'éloge des
quatre ecclésiastiques que le Poitou avait envoyés
comme députés aux États-Généraux, Jallet, de
Cherigné, Lecesve, de
Saint-Triaize-de-Poitiers, Ballard, du
Poiré-sur-Velluire, Dillon, du
Vieux-Pouzauges. Rompant avec certains préjugés de
leur ordre, et aussi avec les opinions émises par
leurs évêques, sentant bien que rien ne pouvait
arrêter le flot populaire qui montait, et que le
mieux était de le modérer dans sa course, ces quatre
ecclésiastiques s'immortalisèrent les 13 et 14 juin
1789, en quittant les premiers la salle de leur
ordre pour aller se réunir au Tiers, rendre possible
le serment du Jeu de Paume, et déterminer la
formation de l'Assemblée nationale.
Dans
cette fameuse séance du Jeu de Paume, tous les
députés du tiers-état du Bas-Poitou prêtèrent le
serment, et Goupilleau de Fontenay, bien que malade,
se fit porter dans un fauteuil à la réunion. C'est
lui qui est représenté à gauche, dans l'immortelle
toile de David.
Mais
les députés de la noblesse poitevine comprirent
moins bien leur époque, leurs intérêts et les
manifestations des 17, 19, 20 et 23 juin 9.789. - En
vain, le 30 juin, signaient-ils-une protestation
suprême contre le droit de délibérer en commun, en
vain, Irland de Bazoges, lieutenant général du grand
sénéchal du Poitou, convoquait-il les nobles pour le
27 juillet, en vue de leur soumettre les doléances
de leurs mandataires, l'orage grondait et
s'annonçait comme devant être terrible.
Le 14
juillet, les Parisiens avaient assiégé et emporté en
quelques heures la Bastille, cette vieille
forteresse de l'arbitraire, et cette nouvelle avait
été accueillie avec enthousiasme par la jeune
bourgeoisie des petites villes du Bas-Poitou. A
Luçon, où dominait l'aristocratie, le maire avait
fait, le 31 juillet, célébrer dans l'église
paroissiale un service funèbre en l'honneur des
victimes de la prise de la Bastille, et à Fontenay,
on avait chanté un Te Deum d'actions de
grâces pour le retour de la tranquillité dans la
capitale, livrée à des agitateurs « sans pudeur et
sans frein. »
L'annonce des événements accomplis à Paris pendant
la fameuse nuit du 4 août ne provoqua pas à Fontenay
un enthousiasme moins grand que la nouvelle de la
prise de la Bastille, et la municipalité fut une des
premières à adresser ses félicitations à l'Assemblée
nationale.
|
EMEUTES A FONTENAY ET AUX SABLES-D'OLONNE (Août
1789)
|
Au
milieu des discussions politiques qui s'imposaient
aux méditations de l'Assemblée, la disette menaçait
la France, et la malveillance cherchant à exciter la
nation contre ses représentants, avait provoqué des
révoltes jusqu'au fond des provinces les plus
éloignées. Dans la nuit du dimanche au lundi 10
août, Fontenay eut son émeute provoquée par la
cherté des grains. Il y eut mort d'homme et
exécutions capitales, et le sénéchal Savary de
Beauregard faillit être tué.
Aux
Sables-d'Olonne, la police put à grand peine
maîtriser les fureurs de la foule contre les
boulangers annonçant qu'ils n'avaient de blé que
pour huit jours, - qu'il n'y en avait plus dans la
campagne et que la récolte se ferait attendre.
Dans
la crainte que de nouveaux troubles ne se
produisissent, Savary de Calais, maire, colonel de
la garde nationale, et Baudry d'Asson furent députés
vers le duc de Maillé, commandant la place de La
Rochelle, qui, sur l'avis de M. de Nanteuil,
intendant de la province, leur remit 300 fusils avec
leurs baïonnettes, des gibernes, 100 sabres sans
fourreau et 4 caisses en cuivre.
Aussitôt leur retour, la municipalité s'occupa de
constituer un régiment national, qui se donna pour
chef, sous le titre « de major général,
Gabriel-Baudry d'Asson, demeurant à Brachain, près
la Châtaigneraie. »
|
SOUSCRIPTIONS PATRIOTIQUES
|
Malgré
tout ce qu'avait pu faire l'Assemblée nationale pour
approvisionner la France, la famine allait
croissant, et avec elle la situation générale du
pays s'aggravait. Le trésor public était en
détresse. Deux emprunts, l'un de 30 millions, et un
autre de 80 millions, émis les 7 et 27 août avaient
échoué.
La
contribution patriotique ordonnée par la loi du 6-16
novembre 1789, suivie d'une proclamation royale, en
date du 15 du même mois, donna peu de chose en
Vendée, sauf à Fontenay, qui fournit 138.584 livres,
et Montaigu 30.000 livres. Les autres localités
avaient montré une grande tiédeur, et il fallut
recourir aux moyens cœrcitifs pour faire rentrer les
impôts.
|
CRÉATION DU DÉPARTEMENT DE LA VENDÉE
FONTENAY-LE-COMTE, CHEF-LIEU. - OPPOSITION DE NIORT,
LUÇON ET LES SABLES-D'OLONNE
|
Lorsque l'Assemblée nationale voulut effacer les
distinctions historiques des provinces, il fut
d'abord question de ne former que deux départements
du Poitou, et alors disparaissait toute objection
contre Fontenay comme chef-lieu de la région du
Bas-Poitou. Mais sur les conseils de Thibaudeau, la
ville de Niort réclama la création d'un troisième
département dont elle serait le chef-lieu, en
proposant La Roche-sur-Yon comme celui de la
subdivision occidentale.
Les
Sables-d'Olonne et Luçon suivirent Niort dans son
opposition, mais ne purent empêcher l'assemblée de
décider, le 26 janvier 1790, que Fontenay serait le
chef-lieu du département occidental du Poitou, qui
comprendrait les six districts de Fontenay, La
Châtaigneraie, Montaigu, Les Sables, Challans, La
Roche-sur-Yon, soit 58 cantons et 317 communes.
|
FORMATION DE L'ADMINISTRATION DÉPARTEMENTALE
|
Le
département de la Vendée, dont la création avait été
décidée en principe, le 26 janvier 1790, n'avait
point reçu de suite une organisation administrative
définitive. Les services publics fonctionnaient mal
; les impôts ne rentraient point, et des conflits de
toute nature se produisaient à chaque instant entre
des pouvoirs plus ou moins définis. Toutes les
réformes de l'Assemblée n'avaient point été
accueillies avec une bien grande faveur par la très
grande majorité des ordres privilégiés. L'orage
grondait sourdement, surtout dans le bocage et dans
le marais de Challans, et il importait à la
tranquillité publique d'organiser le plus
promptement possible au chef-lieu un pouvoir fort
et. respecté.
La
première assemblée générale des électeurs de la
Vendée s'ouvrit à Fontenay, en l'église des
Cordeliers, le 29 juin 1790, à neuf heures du
matin, sous la présidence de Pichard du Page.
Les élections durèrent huit jours, et
furent presque toujours marquées par des séances
tumultueuses, provoquées en grande partie par la
désignation de Fontenay comme chef-lieu. Lors du
scrutin ouvert sur la question du chef-lieu, le
dépouillement donna le résultat suivant. Sur 357
votants, 219 s'étaient prononcés contre Fontenay,
malgré l'énergique intervention de Pichard,
qui eut l'honneur d'être le premier nommé procureur
général syndic du département, avec Menanteau
comme substitut ; les membres élus furent ,
Badereau, Guillet Millouain,
Perreau, Paillou, Morisson, Thiérot et Luminais.
Le 1er
septembre 1790, le directoire du département
s'installa provisoirement au Puy-St-Martin, dans la
maison aujourd'hui occupée par Mme Clémenceau de la
Loquerie, et où il tint ses séances jusqu'au 3
novembre suivant. A cette date il se fixa au
Puy-Lavau, dans la maison Chevallereau, habitée
actuellement par les Sœurs du Bon-Pasteur, et son
premier arrêté, daté du 9 novembre, fut de décider
l'établissement d'une bergerie modèle, à Péault,
sous la direction de Cavoleau, curé de cette
paroisse.
D'autres dispositions furent prises pour établir des
haras, perfectionner les races bovines du pays,
développer l'instruction, améliorer le sort des
pauvres et des enfants naturels, créer à Fontenay
une école de sages-femmes, sous la direction de
Ballard, nommé professeur au traitement de 300
livres, rendre plus prospère le port des Sables et
faciliter les moyens de communication.
|
FÉDÉRATION POITEVINE. - LE 14 JUILLET 1790
|
-Les
troubles et les alarmes, qui n'avaient pas
entièrement cessé dans les campagnes depuis le 14
juillet, s'étaient renouvelés avec plus d'intensité
à l'entrée de l'hiver 1789. L'année 1790 venait de
commencer et une agitation générale se faisait
sentir. D'un bout de la France à l'autre, une
incommensurable farandole entraînait les Français
dans les bras des Français. Le pays entier se ruait
à la tribune, aux clubs, au forum ; la vie publique
absorbait complètement la vie privée, et un grand
nombre de communes et de gardes nationales se
fédéraient, à l'exemple de Paris.
Le
Poitou n'allait pas tarder à suivre le mouvement, et
le 5 avril, les gardes nationales de Fontenay,
convoquées en armes dans la salle du palais,
adhéraient aux propositions de celles de Poitiers,
et nommaient une délégation pour les représenter
dans cette ville lors du renouvellement du serment
civique, qui devait avoir lieu sur les bords du
Clain le 11 avril. L'exemple de Fontenay avait,
porté ses fruits, et le 30 mai, les gardes
nationales de 18 communes s'assemblaient en
confédération au Fougerais de
Sainte-Florence-de-l'Oie, sous le commandement en
chef du marquis de Lespinay, colonel de la garde
nationale de Chantonnay.
La
fêle du 14 juillet 1790, destinée à une
réconciliation générale, n'avait pas été célébrée
avec enthousiasme seulement à Paris, où Fontenay
avait envoyé des délégués. Aux Sables, à Luçon, à
Saint-Gilles et ailleurs, toutes les classes de la
société y avaient pris part, sans distinction de
rang ni de fortune.
Mais
l'admirable concorde de la Fédération ne devait
malheureusement pas durer. Dans la journée du 14
juillet, beaucoup de Vendéens s'étaient, comme le
reste des Français, élevés au dessus d'eux-mêmes.
Ils n'allaient pas tarder à retomber dans des
erreurs regrettables.
|
TROUBLES OCCASIONNÉS PAR LA CHERTÉ DES GRAINS
|
Des
achats de grains, des distributions de pain aux
indigents et l'ouverture des chantiers communaux
n'avaient pu conjurer l'orage qui, pour les moins
prévenus, s'annonçait, menaçant.
A
Bressuire, à Saint-Amand, à Mouchamps, des troubles
avaient éclaté au sujet de la libre circulation des
grains, et à Mouilleron, Guinefolleau, maire et
curé, s'était livré à l'accaparement des grains.
Pendant quatre joursle tocsin avait sonné dans les
villages voisins, et le 13 février 1790, le duc de
Maillé, commandant militaire de la province, donnait
des instructions pour assurer la libre circulation
des grains de Marans a Fontenay.
Les
mesures prises par le duc de Maillé n'étaient qu'un
faible palliatif. La disette sévissait de plus en
plus. A Fontenay, des hommes, des femmes, des
enfants en haillons se pressaient aux portes de
l'Hôtel-de-Ville, demandant à grands cris de leur
donner du pain. Le maire, Pichard du Page, toujours
sur la brèche, se prodiguait avec un dévouement
admirable. Sa porte était toujours ouverte aux
infortunes, et les puissantes relations qu'il avait,
à Paris étaient mises au service de ses administrés
avec un désintéressement qui l'honore. Sa
sollicitude s'étendait même aux autres localités du
Bas-Poitou voisines de Fontenay, et l'on peut dire
que c'est à sa puissante intervention et aux
influences qu'il avait dans les ministères, que fut
dû l'envoi des secours en grains accordé par Necker
et attendu avec une impatience fébrile.
|
BIENS
NATIONAUX. - CONSTITUTION CIVILE DU CLERGÉ
(12 juillet - 26 décembre 1790)
|
L'Assemblée nationale ayant, le 14 avril 1790, en
exécution des lois des 2 et 3 novembre 1789, voté la
remise des biens (1) de l'Église aux départements et
aux districts en les chargeant, d'assurer le salaire
du clergé et les dépenses du culte, les conseils
municipaux des Sables-d'Olonrne et de Fontenay
notamment, décidaient qu'il serait fait des
soumissions en conséquence. Cette décision irrita
profondément le clergé séculier du diocèse qui, dès
l'année 1789, avait protesté contre le décret, du 24
décembre, portant admission des non catholiques à
toutes les fonctions publiques. Il gagna facilement
à sa cause les anciens titulaires des bénéfices
ecclésiastiques qui, dès les 13 et 14 novembre 1789,
avaient fait la déclaration exigée par la loi. Nous
verrons cette irritation grandir et amener, avec
d'autres mesures, concernant le clergé, les plus
redoutables complications, surtout après l'adoption
de la mesure impolitique exigeant des
ecclésiastiques le serment à la constitution civile
du clergé (2), serment que la plupart des prêtres
refusèrent de prêter, à commencer par ceux de
Fontenay (21 janvier 1791) (3).
|
NOTES:
(1)
Les ordres religieux furent supprimés le 13 février
1790.
(2)
Cette constitution, votée le 12 juillet 1790, ne fut
sanctionnée par le roi que le 26 décembre, mais le
serment de fidélité à cet acte schismatique ne fut
exigé que le 4 juillet 1791. - 50.000 prêtres, sur
60.000, répondirent par un refus à cette tyrannique
sommation.
(1)
Une loi du 22 décembre 1790 ordonnait aussi que tout
fonctionnaire public, recevant pension ou traitement
de l'État, qui ne serait pas dans le royaume et qui
n'aurait prêté son serment civique dans le délai
d'un mois, serait déchu de tout grade, emploi,
pension ou traitement.
|
ÉLECTION DE L'ÉVÊQUE CONSTITUTIONNEL DE LA VENDÉE
(27 février er 1er mars 1791),
ET INSTALLATION DU CLERGÉ CONSTITUTIONNEL
|
L'évêque de Luçon, Mgr de Mercy, ayant refusé le
serment civil, l'assemblée électorale chargée de
nommer un évêque constitutionnel se réunit le 27
février 1791, dans l'église de Notre-Darne de
Fontenay, où elle assista à une messe solennelle,
célébrée par M. Bridault, curé-doyen.
Des
471 électeurs choisis par les assemblées primaires,
173 seulement répondirent à l'appel de leur nom. Au
premier tour de scrutin, Ballard, curé du
Poiré-sur-Velluire et député à la Constituante,
obtint le même nombre de voix que Servant, supérieur
de l'Oratoire de Saumur, qui, au second tour, fut
élu évêque par 77 voix.
Servant n'ayant pas cru devoir accepter ces hautes
fonctions (1), l'assemblée électorale, réunie de
nouveau le 1er mai, nommait évêque Rodrigue, curé de
Fougeré.
Aussitôt l'élection de Rodrigue, les districts
convoquèrent les assemblées primaires pour nommer,
conformément à la loi, les « fonctionnaires civils
destinés à remplacer ceux qui persistaient dans
l'insermentation ».
Le 22
mai, aux Sables, les électeurs, réunis dans l'église
de Notre-Dame, procédèrent après la messe, à la
nomination des curés des 26 paroisses dont les curés
étaient réfractaires. Mais cette élection fut
frappée d'opposition canonique, le 25 juin, par le
Grand Vicaire de Luçon. D'un autre côté, les non
conformistes protestaient, au nom de la liberté des
cultes, contre l'aliénation de tout ou partie des
églises et des chapelles non reconnues paroissiales
; dès ce moment, on élevait autel contre autel.
(1) A
la suite d'une lettre que lui écrivit Mgr de Mercy,
évêque de Luçon. - Nous regrettons de ne pouvoir
reproduire cette lettre, dont l'original est sous
nos yeux.
|
ÉTATS
DES ESPRITS A LA FIN DE 1790 ET AU COMMENCEMENT DE
1791
FUITE DU ROI (20 Juin 1791)
|
A
l'époque où nous sommes rendus, l'émigration
devenait chaque jour plus considérable en France :
les routes se couvraient d'une noblesse qui semblait
remplir un devoir sacré en courant prendre les armes
contre sa patrie. Des femmes mêmes croyaient devoir
attester leur horreur de la Révolution en quittant
le sol de la France. Hâtons-nous de dire que la
plupart des nobles vendéens restèrent dans leurs
pauvres gentilhommières. « Au moment du danger, dit
un érudit écrivain, quand la bande dorée des
courtisans et des favoris commettra la faute
insigne, si durement, expiée d'ailleurs,
d'abandonner le roi pour aller, impuissante, s'armer
au-delà des frontières ; quand même quelques-uns des
hommes les plus comblés des faveurs de la cour
trahiront leur bienfaiteur, cette noblesse, que la
royauté a dédaignée au jour de prospérité, se lèvera
tout entière pour la défendre. Le sang de ses
membres coulera sur tous les champs de bataille ;
les Bonchamps, les Lescure, les La Rochejaquelein,
les d'Autichamp, les Charette, les Marigny et tant
d'autres rempliront les cadres de la garde
constitutionnelle du malheureux Louis XVI, ou
veilleront à ses côtés. Leurs cadavres joncheront
les marches des Tuileries, comme plus tard les
champs de la Vendée et les landes de la Bretagne
(1). » Néanmoins il ne se passait guère de semaines
sans que la nouvelle de quelque complot n'arrivât au
Directoire, du département.
En
février 1791, la population d'Avrillé, sur les
conseils de Duchaffault, son ancien seigneur,
s'était soulevée à l'occasion de la mise en vente
des dépendances du prieuré-cure du bourg, et le 27
du même mois, le Directoire de Fontenay demandait
l'envoi de 200 hommes d'infanterie aux
Sables-d'Olonne.
Dans
les districts de Challans, de la Roche-sur-Yon et
des Sables-d'Olonne, des mouvements populaires du
caractère le plus grave s'étaient produits dès le
mois d'avril. Les curés insermentés avaient été
insultés et les autorités légales menacées. Une
révolte armée avait éclaté à Apremont (24 avril), à
Saint-Christophe-du-Ligneron, à Froidfond, à
Saint-Paul-Mont-Penit, etc. (28 avril). Le 3 mai, le
tocsin avait sonné à Cœx, Saint-Révérend,
l'Aiguillon et Saint-Maixent-sur-Vie.
Dans
une séance de nuit du Directoire du département et
du district, il avait été arrêté que le procureur
général syndic Pichard. du Page et Majou des Grois
seraient, munis de pleins pouvoirs, chargés de
conduire dans la région troublée 130 hommes de la
garde nationale de Fontenay, avec 25 cavaliers du
régiment en garnison dans cette ville (2). Les
prisonniers faits à la suite de ces mouvements
insurrectionnels furent transférés en la prison du
Bouffay, à Nantes. Les préludes d'une insurrection
générale s'étaient déjà manifestés en Vendée, quand
on apprit à Fontenay, dans l'après-midi du 23 juin,
que le roi s'était enfui de Paris le 20.
|
NOTES:
(1)
Baguenier-Désormeaux. - La noblesse de l'Ouest au
moment de la Révolution. - Revue du Bas-Poitou, Ve
année, pages 209 et 210.
(2) Le
25 juin les administrateurs du Directoire en
informaient leurs administrés.
|
SOULÈVEMENTS ET MANIFESTATIONS
|
La
fuite et l'arrestation de Louis XVI brisèrent le
dernier frein de la Révolution. Toutes les fureurs
qui se contenaient encore allaient faire explosion.
Les
Directoires commencèrent alors à prendre des mesures
restrictives et à interdire aux prêtres réfractaires
de dire la messe sans la permission de l'évêque et
des prêtres constitutionnels. L'intolérance
répondait à l'intolérance, et des excès
coupables furent commis de part et d'autre (1).
Le
prêtre constitutionnel était excommunié par sa
paroisse. Dans toute son étendue, il ne trouvait ni
un sacristain, ni un enfant de chœur, ni une
servante, ni un compagnon; on eût dit un de ces
maudits auxquels les Sociétés antiques interdisaient
l'eau et le feu. Quant aux insermentés, la
persécution leur avait donné une sainteté nouvelle
et une invincible puissance. Ce n'était plus
seulement des prêtres, mais des martyrs. Chassés des
églises, ils dressaient un autel dans les bruyères,
au fond des bois ou même sur la mer.
On
juge par là de l'influence que devaient exercer dans
l'ouest les prêtres insermentés, vis-à-vis des
populations foncièrement honnêtes, mais à peu près
complètement illettrées. La Basse Bretagne
s'insurgeait et les gardes nationales de Vannes
avaient dû intervenir. Répondant à ces provocations,
celles de Cholet avaient envahi et saccagé, à
Saint-Laurent-sur-Sèvre, la communauté des Sœurs de
la Sagesse, et faits prisonniers les missionnaires
Dauche et Duguet, qui furent relâchés par ordre du
Directoire de Fontenay.
A
Saint-Étienne, à Beaufou, aux Lucs, à
Saint-Christophe-du-Ligneron, des complots se
formaient (2). Des troubles avaient eu, lieu dans
les environs de Luçon ; des rassemblements de nobles
étaient signalés un peu partout : aux Herbiers, aux
Épesses, à Luçon, à Mouzeuil. - On craint des
débarquements sur les côtes de Saint-Gilles. A
Beauvoir et à Saint-Jean-de-Monts, où règne la plus
vive agitation, on signale l'apparition de bateaux
ennemis (27 et 28 juin 1792). A la Proutière (3),
des réunions clandestines avaient lieu et la force
armée dut intervenir (28 juin). Mais en arrivant
devant le château, la troupe expédiée de Fontenay et
des Sables ne put que constater, avec les cieux
commissaires Pichard du Page et Luminais, l'incendie
allumé par Loiseau, garde national des
Sables-d'Olonne.
|
NOTES:
(1)
A Saint-Fulgent, un jour de dimanche, pendant que le
curé, M. Gourdon, était en chaire, le maire de la
commune entra dans l'église le chapeau sur la
tête,accompagné des autorités républicaines en armes
et précédé d'un joueur de veze. Il s'avança ainsi
jusque dans le sanctuaire et, tournant le dos à
l'autel, il interpella à.haute voix le curé et son
vicaire en leur faisant la sommation de prêter
serment à la Constitution civile du Clergé. - Les
deux prêtres refusérent ; le vieux curé mourut en
exil et le vicaire, l'abbé Rrillant, se cacha dans
la forêt de Grala. - L'abbé prunier, La Vendée
militaire, page 18.
(2) 25
cavaliers, 80 gardes nationaux des Sables, ceux
deNantes et de Machecoul avaient dû cerner le foyer
de l'insurrection. (Lettre du substitut du procureur
général syndic Menanteau, à MM. les maires et
officiers municipaux de Fontenay) (5 mai 1791).
(3)
Ce château appartenait à Robert de Lézardière, dont
un des fils, réfugié à Paris, reçut l'abbè Edgeworth
le soir de la mort de Louis XVI (21 janvier 1793). -
Robert de Lézardière était le père de Mlle Pauline
de Lézardière, le célèbre auteur de la « Théorie des
lois politiques de la monarchie constitutionnelle ».
|
L'AMNISTIE DE LA CONSTITUANTE. - ÉLECTIONS
LÉGISLATIVES D'AOUT-SEPTEMBRE 1791
|
Dans
la fameuse séance du 17 mai 1791, l'Assemblée
constituante avait voté le décret qui devait la
faire disparaître de la scène politique. Le
lendemain du jour où la Constitution avait été
acceptée par le roi (3 septembre), l'Assemblée,
déclarant
« que l'objet de la Révolution étant rempli, la
Révolution devait prendre fin », proclamait par une
loi promulguée le 15 septembre 1791, l'amnistie la
plus générale sur les faits politiques et militaires
de toute nature à compter du 1er juillet 1789. Mais
cette loi,donnant à tout citoyen français, « le
droit de voyager librement dans le royaume et d'en
sortir à volonté » ne ramena guère d'émigrés en
France, mais permit aux conspirations de se
développer. - Quoi qu'il en soit, les poursuites
commencées dans le district de Challans furent
arrêtées, et ce fut au milieu d'un calme relatif,
que les 30 août, 1, 2, 3, 4, 5 et 6 septembre 1791,
eurent lieu à Fontenay, sous la présidence de
Goupilleau de Montaigu, l'élection des huit députés
à la législative : Goupilleau, Morisson, Maignen,
l'abbé Musset, Gaudin, Thiérot, Giraud et Gaudin,
vicaire général.
La
défiance contre la noblesse et le clergé avait
presque partout dicté le choix des députés à
l'Assemblée législative, et l'impossibilité de
renommer les constituants avait forcé de prendre des
députés dans la génération nouvelle plutôt désireuse
de précipiter le dénouement que de le ralentir.
Le
parti républicain s'affirmait de plus en plus en
même temps que la situation s'aggravait en France.
Le roi, après l'amnistie accordée par la
Constituante, avait tâché de faire rentrer les
émigrés et n'avait pu y réussir. Le mouvement
d'émigration tendait au contraire à s'accentuer, et
à Fontenay, le 23 septembre, les dragons s'étaient
soulevés contre leurs officiers suspectés de vouloir
passer à l'étranger.
|
GENSONNÉ ET GALLOIS NOMMÉS COMMISSAIRES EN VENDÉE
|
Le 16
juillet 1791, sur un rapport déposé par
Cochon-Lapparent, ancien conseiller au présidial de
Fontenay, l'Assemblée législative avait décidé que
deux de ses membres, Gensonné et Gallois, seraient
envoyés en Vendée pour y prendre tous les
éclaircissements qu'ils pouraient se procurer sur
les causes des troubles et se concerter avec les
corps administratifs sur les moyens de rétablir
l'ordre et la tranquillité publique.
Gensonné et Gallois, partis de Paris le 25 juillet
arrivèrent à Fontenay le 29, à 4 heures de
l'après-midi. Ils descendirent à l'hôtel de la
Coupe-d'Or, place du marché aux Porches, où la
municipahté vint leur souhaiter la bienvenue. Leur
premier soin fut de prendre un arrêté qui contenait,
entre autres dispositions, qu'à partir du 31 août,
les curés dissidents ne pourraient dire la messe que
dans les églises paroissiales et dans l'oratoire du
collège ; que les portes des autres églises leur
seraient fermées, ainsi qu'au public ; mais qu'ils
pourraient cependant être appelés comme personnes
privées auprès des particuliers et des malades, sans
signes extérieurs et sans marques de leur caractère
ecclésiastique.
Il
n'entre pas dans notre cadre de relater tous les
événements auxquels furent mélés les deux
commissaires, qui, après avoir parcouru avec
Dumouriez une partie de la Vendée (1) pour apaiser
des soulèvements, se fixèrent à Fontenay du 17 août
au 3 septembre. Il nous suffira de dire que leurs
pressantes demandes auprès des ministres de
l'intérieur et de la guerre pour l'envoi de troupes
en Vendée n'eurent qu'un médiocre succès. Et
pourtant, malgré tout ce qu'ils avaient pu faire
pour ramener le calme dans les esprits, l'inquiétude
persistait à Fontenay, ainsi que l'indique dans une
lettre écrite à son père, le 25 septembre,
Delacroix, employé des postes à Fontenay.
|
NOTES:
(1)
Durnouriez est le 11 juillet aux Sables, pour
rétablir la discipline au 84e régiment d'infanterie.
En août, il visite les régions de Challans,
Saint-Gilles, la Mothe-Achard, Le Poiré, les
Essarts, Chantonnay et Fontenay.
|
DÉPART
DE GENSONNÉ
|
Gensonné, élu député dans la Gironde, quittait la
Vendée le 17 septembre et partait pour Paris,
laissant à son collègue Gallois le soin de compléter
les informations qu'ils avaient prises ensemble et
de les rédiger. Le rapport sur la situation de la
Vendée fut, le 9 octobre, lu à la barre de
l'Assemblée législative par Gallois, qui, l'amnistie
ayant aboli les procédures pour faits politiques, se
montra peut-être plus optimiste qu'on pourrait le
supposer, car les non-conformistes s'agitaient sur
presque tous les points de la Vendée, demandant au
nom de la liberté des cultes, l'autorisation de
s'assembler dans l'église désignée par eux. Dans le
nord du Bocage surtout, Dumouriez et Verteuil
étaient obligés d'envoyer des troupes pour maintenir
l'ordre et assurer la sécurité des citoyens : ce qui
n'était pas du goût de tout le monde, notamment de
la municipalité de Montaigu, qui le 21 novembre
1791, demandait au ministre de la guerre « qu'il n'y
ait pas de garnison dans cette ville ».
La
sage conduite des commissaires civils en Vendée
avait un moment calmé les esprits. Malheureusement
on ne resta pas longtemps dans cette voie et la
violence appela la violence. Le 29 novembre
l'Assemblée décidait que tout ecclésiastique qui
n'aurait pas, sous huit jours, prêté le serment
civique, serait privé de son traitement, placé sous
la surveillance de la police, et que, le cas
échéant, il pourrait être éloigné provisoirement de
son domicile et même condamné à la prison. Il n'en
fallait pas davantage pour faire déborder le vase en
Vendée, ainsi que nous le verrons plus loin mais
n'anticipons pas sur les événements.
|
APPEL
A FONTENAY DES GARDES NATIONALES DEVANT FORMER
L'EFFECTIF DE LA VENDÉE
|
Avec
l'Assemblée législative, les Girondins venaient
d'être appelés au ministère, et bientôt toute la
France allait marcher sous les drapeaux de Lukner,
de Lafayette et de Rochambeau.
Mais
le décret du 21 juin 1791, prescrivant de mettre «
en activité la garde nationale de tout le royaume »
ne rencontra guère de faveur en Vendée ; le 19
septembre, Dumouriez écrivait de Fontenay qu'à cette
date il ne s'était présenté aucun homme pour
l'inscription au bataillon de la garde nationale de
la Vendée.
Néanmoins, le 5 décembre, 469 volontaires, réunis au
chef-lieu du département, répondaient à l'appel des
autorités et formaient, sous la conduite du
lieutenant-colonel Gratton, de Saint-Gilles-sur-Vie,
un bataillon qui devait se couvrir de gloire dans la
campagne de l'Argonne, à Valmy, à Jemmapes, à
Aix-la-Chapelle, à Maubeuge, à Venise.
Au
même moment, des bataillons de volontaires, venus
des autres départements, étaient expédiés à
Challans, la Roche-sur-Yon, les Sables, La
Châtaigneraie, et sur tous les points où des
troubles étaient à craindre, surtout au moment du
renouvellement par moitié des officiers municipaux
et notables composant l'administration des communes
(novembre 1791).
|
LA
SESSION DU CONSEIL GÉNÉRAL DE LA VENDÉE EN 1794.
L'INSURRECTION DE L'ILE D'YEU
|
Pendant que s'accomplissaient les événements que
nous venons de narrer, le Conseil général tenait,
sous la présidence
de
Rodrigue, sa session ordinaire, marquée par des
discussions orageuses et passionnées qui, à la fin
de décembre, devait se terminer par la démission de
ceux de ses membres qui honoraient le plus
l'Assemblée.
Nous
touchons bientôt aux jours sombres de la guerre
civile, car dès le mois de janvier 1792, sous la
direction des femmes surtout, l'île d'Yeu
s'insurgeait pour le rétablissement de l'ancien
régime, et il fallut envoyer la force armée pour
avoir raison des émeutiers, dont les chefs furent
traduits devant les tribunaux (mars et juillet
1792).
|
OPPOSITION DES CAMPAGNES AU RECRUTEMENT MILITAIRE
DÉPART DE DUMOURIEZ
|
Au
moment où la Société ambulante des amis de la
Constitution qui, depuis le 19 février 1790,
consacrait tous ses efforts à éclairer les
populations sur les lois du nouveau régime et à en
aider l'application, les campagnes de la Vendée
manifestaient les sentiments les plus opposés. Dès
le commencement de 1792, on les voit non seulement
refuser le service militaire, mais encore s'opposer
à toute demande de soldats pour la patrie (1).
Dans
l'arrondissement des Sables, à Angles notamment, se
produisit, au mois de mars 1792, une rébellion
semblable à celles qui devaient, un an plus tard,
éclater en même temps dans des centaines de bourgs
et villages.
Sur
ces entrefaites, Dumouriez, nommé ministre des
affaires étrangères, laissait au général de Marcé le
soin de maintenir l'ordre dans un département
presque dépourvu de garnison, et où les attentats
contre les personnes et les biens devenaient de plus
en plus inquiétants.
|
NOTES:
(1) D'après les lois des 25 janvier et 23 mai
1792 sur le recrutement de l'armée, les divers
moyens de contrainte ou de séduction étaient
interdits. Les administrations départementales
étaient simplement chargées d'inviter celles des
districts à nommer des commissaires pour aller dans
les diverses localités publier la loi et encourager
les citoyens â s'enrôler de plein gré.
|
ÉTAT
DE LA FRANGE AU COMMENCEMENT DE L'ANNÉE 1792
|
La
position de la France au commencement de l'année
1792 était des plus critiques : travaillée à
l'intérieur par les divisions des partis, menacée à
l'extérieur par les états monarchiques et par les
émigrés. Le clergé se retirait à l'intérieur, au
fond des bois, et soulevait les habitants des
campagnes : la cour favorisait les résistances
intérieures et encourageait les résistances
extérieures. Les rois de l'Europe regardèrent leur
cause comme perdue si Louis XVI perdait la sienne,
et en se liguant contre la Révolution, la poussèrent
à tous les excès. Les mouvements séditieux
continuaient en Vendée ; toute la région des
Épesses, Saint-Mars-la-Réorthe et la Flocellière
était en feu et un appel avait dû être fait aux
garnisons voisines, aux brigades de gendarmerie et
aux gardes nationales pour éviter une effusion de
sang.
Des
difficultés militaires se produisaient entre les
officiers qui maintenaient le serment demandé par le
décret du 22 juin 1791, et ceux qui le rétractaient.
Malgré
le Directoire du département, la garde nationale de
Fontenay était allée, le 25 janvier, au-devant d'un
détachement du 51e venant de Luçon, et les deux
troupes avaient traversé la ville en fraternisant et
en criant : ça ira. Vergniaud venait, du haut
de la tribune, de jeter ce grand cri, qui allait
être bientôt le refrain de la Marseillaise :
Aux
armes, citoyens !
et
l'Assemblée ordonnait que le dernier dimanche de
janvier, tous les citoyens en état de porter les
armes seraient réunis dans les chefs-lieux de canton
et invités à concourir à la défense de la patrie et
de la liberté !
|
MESURES CONTRE LES PRÊTRES
|
La
réponse de l'empereur d'Autriche aux explications
qui lui avaient été demandées le 25 janvier avait
été, le 1er mars, accueillie par l'Assemblée avec
colère et dédain, et Vergniaud, dénonçant les
manœuvres perverses qu'on préparait, dit-il, aux
Tuileries, pour nous livrer à la maison des
Hapsbourg, s'écriait en tendant les brâs vers le
château : « La Terreur est souvent sortie autrefois,
au nom du despotisme de ce palais fameux, qu'elle y
rentre aujourd'hui au nom de la loi ! » Au même
moment un arrêté du Directoire expulse tous les
prêtres réfractaires non originaires de la Vendée ne
pouvant justifier d'une année de résidence. - Le 9
mars, un nouvel arrêté appelle au chef-lieu du
département tous les ecclésiastiques insermentés
remplacés dans leurs fonctions. Ils sont tenus de
venir chaque jour à onze heures du matin, s'inscrire
sur un registre déposé au secrétariat du
département. Le 5 avril, alors que de nouveaux
soulèvements éclatent partout et que des troupes
sont dirigées sur tous les points de la Vendée (1),
un décret prohibait le port du costume religieux.
Mais ce décret, complété par un arrêté du
département du 30 juin 1792, ayant été frappé de
veto, ce ne fut qu'après le 10 août que commença
la déportation des prêtres, dont la plupart furent
préalablement internés à Fontetenay.
|
NOTES:
(1)
Dès le mois de mars 1792, l'abbé Leroy, vicaire des
Echaubrognes, qui avait été dénoncé et surpris dans
sa cachette, fut tué à coups de baïonnettes après un
long et douloureux martyre. - Le 2 juin, un arrêté
ordonnant de porter à la monnaie les cloches « des
églises des maisons religieuses qui n'étaient pas
conservées comme oratoires nationaux », avait encore
froissé les populations attachées à tout ce qui, de
près ou de loin, menait au culte.
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NOUVELLES ÉLECTIONS DE CURÉS CONSTITUTIONNELS
|
Le 1er
juillet 1792, c'est-à-dire le lendemain du jour où
le Directoire du département avait pris un arrêté
définitif d'expulsion des prêtres étrangers et
d'internement des réfractaires indigents à Fontenay,
eurent lieu, aux chefs-lieux de chaque district, de
nouvelles élections de curés. Peu de candidats se
présentèrent, et beaucoup de paroisses demeurèrent
sans prêtre ; ce que voyant, l'administration décida
que les registres de l'état civil seraient
provisoirement tenus par les maires.
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LA
PATRIE EST DÉCLARÉE EN DANGER
|
Les
événements se précipitent avec une rapidité
vertigineuse. En apprenant nos premiers revers, un
rassemblement tumultueux se forme le 20 juin, pour
obtenir par la force, le consentement du monarque,
au décret qui ordonnait la déportation des prêtres
insermentés. Le peuple a coiffé le roi du bonnet
rouge. La Prusse et le Piémont se lèvent avec
l'Autriche contre la France. Tous les pouvoirs
cessent de fonctionner. Les ministres se retirent en
masse et l'Assemblée législative déclare la
patrie en danger (11 juillet 1792 (1)).
Le
canon annonce cette terrible crise de ville en
ville. Toutes les assemblées sont en permanence ;
toutes les gardes nationales en mouvement. Sur
chaque place s'élève un autel de la patrie et les
officiers municipaux y reçoivent les noms de tous
ceux qui veulent marcher contre l'ennemi.
Le 19
juillet, arrive à Fontenay le décret qui déclarait
la patrie en danger. A cette effrayante
nouvelle, les diverses administrations se
précipitent vers le lieu de leurs séances et se
déclarent en permanence. La municipalité fait
annoncer et afficher dans toutes les rues, des
proclamations brûlantes de patriotisme portant
notamment : que tous les citoyens en état de porter
les armes, ayant fait le service de gardes
nationales sont déclarés en état d'activité
permanente, -, qu'ils sont tenus de déclarer dans la
huitaine, le nombre et la nature des armes dont ils
sont pourvus, - que tout homme résidant ou voyageant
dans la commune est tenu de porter la cocarde
tricolore, et que toute personne intentionnellement
revêtue d'un signe de rebellion, sera punie de mort,
conformément à l'article 17 de la loi du 8 juillet
1792.
|
NOTES:
(1)
Nous avons vu dans la collection Fillon, un document
ne portant aucune signature, qui aurait été trouvé
dans les papiers d'un royaliste exécuté à Fontenay.
- Il contient des renseignements curieux, notamment
ceux relatifs aux forces dont pouvait disposer
contre la France la coalition européenne : Autriche,
60.000 hom. ; Prusse, 60.000 hom. ; Suisse, 30.000 ;
Suède, 6.000 ; Espagne, 25.000 hom. ; Piémont,
10.000 ; Hollande, 1.000 hom. ; Total, 201.000
hommes. - Le comte d'Artois devait fournir 500
chevaux, et la Marine 73 vaisseaux de ligne, dont 10
de 112 canons.
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JOURNÉE DU 10 AOUT 1792
|
Cependant les puissances étrangères pressaient les
frontières. Le peuple, soulevé de nouveau par la
crainte de l'ennemi et par les Jacobins, se porta en
armes contre le château des Tuileries pour enlever
ou massacrer le roi, dont la déchéance avait été
vainement demandée. Louis XVI, voulant éviter une
sanglante collision, se rendit à l'Assemblée avec sa
famille. C'était le 10 août. Une municipalité
républicaine fut nommée pendant cette émeute ; elle
obtint de l'Assemblée la déchéance du roi et la
convocation d'une Convention nationale pour le
juger. Louis XVI et les siens furent conduits au
Temple et placés sous la surveillance de leurs
ennemis. C'était la fin de la royauté.
|
MISE
EN DÉFENSE DES COTES DE VENDÉE. - LA LEVÉE DES
MARINS
|
Aussitôt l'administration départementale envoie des
commissaires dresser procès-verbal de l'état des
poudrières, corps de garde et batteries de côtes
(1), et adresse leurs rapports au commandant de la
12e division militaire, en lui signalant « les
mauvaises dispositions » des maraîchins de Challans,
et des difficultés qui en résultaient pour la garde
de Noirmoutier, de Bouin et du voisinage.
D'ailleurs, les ressources de la 12e division
militaire étaient presque complètement épuisées à
Nantes, ainsi que l'indique une lettre écrite le 13
octobre 1792 par le général de Verteuil à de Marcé.
Le 22
janvier 1793, la Convention, inquiète de cette
situation, décrète l'envoi de trois commissaires
pour inspecter les côtes de l'Océan et veiller à
leur défense, de Bayonne à Lorient.
Aussitôt après leur arrivée, le général de Marcé est
chargé de la mise en défense de toutes les côtes de
la 12e division militaire, et le 15 février commence
sa tournée d'inspection ; mais les soldats et les
officiers manquent : « Il n'existe guère, écrit de
Verteuil à la date du 26 février 1793, que des
rassemblements de gardes nationales ».
Sur
ces entrefaites et en exécution de la loi du 25
juillet 1792, on ordonna une levée des matelots,
quartiers-maîtres et officiers mariniers. Cette
opération, effectuée les 20 et 22 février, donna
pour les Sables, la Chaume, Saint-Gilles et
Croix-de-Vie, 165 hommes dont beaucoup se
distinguèrent pendant la Révolution, tels que les
frères Collinet, Gizolme, Moreau, Gautier, Monnereau
et surtout René Guiné, qui fut durant vingt ans la
terreur des Anglais dans le golfe de Gascogne.
|
NOTES:
(1)
D'un état dressé au mois d'octobre 1792 par la
direction de La Rochelle, et conservé dans les
papiers inédits de B. Fillon, il résulte que pour
armer les côtes de la Vendée, le préposé au service
national des transports était chargé de faire rendre
sur les lieux 1 canon de 36, - 7 de 18, - 1 affût de
côte de 36 et 1 de 18, - 460 boulets de 36, - 400 de
24, - 1.008 de 18, - 3 armements de 36, - 1 de 18 et
28.000 livres de poudre.
|
LES
MOUVEMENTS VENDÉENS
|
Le 5
août 1792, c'est-à-dire cinq jours avant la prise
des Tuileries, des attroupements considérables
s'étaient formés à Aizenay, au Poiré, à Venansault,
- d'autres avaient lieu dans la région de Challans,
pendant que dans les Deux-Sèvres plusieurs milliers
de paysans se soulevaient. Les districts de
Bressuire et de Châtillon surtout se signalèrent par
des sentiments anti-républicains, et sous la
conduite de l'ancien maire de Bressuire, Delouche,
et de Baudry d'Asson, des insurgés se portaient, les
20 et 21 août, à des voies de fait contre les
personnes et les propriétés à Montcoutant, La
Forêt-sur-Sèvre, etc.
Les
21, 25, et 26 août, Bressuire fut attaqué par les
insurgés (1) : Châtillon eut le même sort, mais
force resta néanmoins à la loi. L'esprit de révolte
gagna la Châtaigneraie, Pouzauges, où Mercier du
Rocher fut envoyé en mission pour calmer les
esprits.
Les
décrets du 10 août rencontrèrent presque partout, en
Vendée, une opposition considérable, notamment à
Fontenay, où le maire, Biaille-Germon et le
procureur de la commune Pichaud refusèrent de signer
une adresse « Aux Législateurs ». Néanmoins,
l'assermentation des fonctionnaires se poursuivit
sans trop d'encombre.
|
NOTES:
(1)
De tous les mouvements qui préparèrent la Vendée à
la grande prise d'armes du mois de mars 1793, le
plus grave fut celui du 24 août 1792, que l'histoire
signale sous le nom d'échauffourée du Moulin-Cornet,
aux environs de Bressuire. Il était dirigé par
Gabriel de Baudry d'Asson, seigneur de Brachain,
près de la Chataigneraie, et MM. de Feu et de
Richefeu.
|
L'ÉLECTION DES REPRÉSENTANTS DE LA VENDÉE A LA
CONVENTION NATIONALE.
- L'EMBARQUEMENT DES PRÊTRES INSERMENTÉS
|
L'Assemblée des électeurs du département de la
Vendée nommés en exécution de la loi du 12 août,
s'ouvrit le 27 septembre 1792, sur les neuf heures
du matin, dans l'église paroissiale de la
Châtaigneraie. Elle y tint ses séances du 2 au 8
septembre, sous la présidence de Goupilleau de
Montaigu, qui fut élu député à la Convention avec
Goupilleau (de Fontenay), Gaudin, maire des Sables,
Maignen, administrateur du district de la
Châtaigneraie, Fayau, administrateur du département,
Musset, curé de Falleron, Morisson, député sortant,
Girard Villars, président du Directoire du
département, et Gaudin Jacques, vicaire général
constitutionnel.
En
exécution de la loi du 26 août 1792 (1), confirmant
et aggravant les rigueurs du décret du 27 mai contre
les prêtres insermentés, l'embarquement du plus
grand nombre de ces malheureux pour la terre d'exil
(l'Espagne de préférence) (2), eut lieu aux Sables,
dans les premiers jours de septembre, et donna lieu
à des scènes déchirantes dont le souvenir ne
contribua pas peu à entretenir l'agitation dans les
esprits. En même temps était pratiquée la saisie des
correspondances suspectes, pendant que les pères et
mères d'émigrés étaient, par arrêté du Directoire du
département (17 novembre 1792), mis en demeure de
fournir, moyennant un prix déterminé, des
habillements pour les gardes nationales. A la date
du ler mars 1793, presque tous les émigrés avaient
satisfait à cet arrêté pris en exécution de la loi
du 12 septembre 1792.
Cette
agitation allait encore se développer par la mise
sous séquestre des biens des émigrés et la
surveillance de leurs familles, surveillance
d'autant plus dure quelquefois, qu'elle était
exercée par des commissaires du district, un grand
nombre de communes se trouvant sans municipalité.
|
NOTES:
(1)
Cette loi condamnait àl'exil tous les prêtres
réfractaires de France. - 20.000 furent, bannis ;
les autres, dit l'abbé Prunier, dans la Vendée
militaire (page 15), vécurent cachés dans les bois
comme des malfaiteurs, ou déguisés en valets de
ferme, en chaudronniers, en charbonniers, en petits
metiers, en garçons meuniers, pour continuer
furtivement leur ministère, malgré les menaces et
les poursuites de leurs persécuteurs.
(2)
Des procès-verbaux produits, il résulte qu'il y eut
aux Sables-d'Olonne 220 embarquements de prêtres
insermentés pour l'Espagne. (Chassin. - Sa
Préparation, T. III, page 91.)
|
LA
RÉPUBLIQUE . - RENOUVELLEMENT DES ADMINISTRATIONS
|
Le
procès-verbal officiel de la première séance de la
Convention parvint aux autorités du chef-lieu le 25
septembre, à 9 heures du matin, et le décret
d'abolition de la royauté fut immédiatement porté à
la connaissance du public par le maire
Biaille-Germon, suivi du corps municipal. Le 7
octobre, en exécution du décret qui ordonnait de
faire disparaître tous les signes extérieurs
rappelant la royauté et la féodalité, la
municipalité de Fontenay requit des ouvriers pour
effacer des monuments publics, des façades des
maisons et même des tombeaux, les divers emblèmes de
l'ancien régime et les inscriptions où se trouvait
le mot Roi. Des fêtes eurent lieu pour la
proclamation de la République aux Sables, à
Saint-Gilles, à Croix-de-Vie, où le district de
Challans n'avait pourtant, fait parvenir que le 8
octobre les instructions relatives à la publication
du décret abolissant la royauté.
|
ÉLECTIONS DÉPARTEMENTALES ET ÉLECTIONS MUNICIPALES
|
Le
renouvellement des élus de l'administration
départementale se fit, à Montaigu, en exécution du
décret du 19 octobre, le 11 novembre 1792 (1) ; la
semaine suivante eurent lieu les élections de
district. Ces diverses élections amenèrent au
pouvoir des hommes plus attachés à la Révolution,
mais qui, nommés par un petit nombre d'électeurs,
étaient loin de représenter les idées de la grande
majorité des Vendéens.
« Les
habitants des campagnes du district dé Montaigu, dit
Mercier du Rocher, insultaient les électeurs au
passage, et ceux de la ville fermaient les portes et
les fenêtres de leurs maisons quand ils traversaient
les rues... Le feu couvait sous la cendre, et il me
semblait entendre le bruit d'un volcan sous mes
pieds. »
|
NOTES:
(1)
L'installation du Conseil général renouvelé eut lieu
le 3 décembre, dans les bâtiments de
l'Union-Chrétienne, où avait été établi
l'Hôtel-de-Ville le 20 octobre. - Le 26 janvier
suivant, il prenait un arrêté ordonnant des visites
domiciliaires dans les maisons supectes pour
chercher les prêtres insermentés et les émigrés qui
pourraient y être recélés (Collection Fillon).
|
SOURDE
FERMENTATION ET NOUVEAUX SOULÈVEMENTS
|
Des
conflits se produisaient à chaque instant entre les
districts et le département : à Fontenay les
élections municipales ne firent qu'aggraver
l'hostilité déjà existante entre le maire du
chef-lieu et le Directoire du département, depuis
que la majorité y était devenue républicaine.
Le
renouvellement des municipalités, opéré au
commencement de décembre, eut pour résultat, dans la
plupart des paroisses du marais de Challans et du
Bocage, de donner le pouvoir à des procureurs et à
des conseils qui devaient former les cadres des
comités de paroisse, dès l'organisation des armées
catholiques-royales.
On
essaya bien de faire annuler quelques-unes des
élections municipales, en raison de l'incapacité
absolue des élus illettrés à remplir leurs
fonctions, ou de l'inexécution totale des lois, mais
presque partout il fut impossible de faire procéder
à de nouvelles élections : la force publique
manquant pour soutenir les commissaires substitués
provisoirement aux maires révoqués.
|
ALIÉNATION DES BIENS ECCLÉSIASTIQUES. - DIFFICULTÉ
POUR FAIRE RENTRER LES IMPOTS. - VOTE DES DÉPUTÉS DE
LA VENDÉE DANS LE JUGEMENT DE LOUIS XVI. NOUVEAUX
TROUBLES
|
Malgré
les agitations politiques et religieuses,
l'aliénation des biens ecclésiastiques avait
continué ; la revente par les villes vendéennes des
lots qu'elles avaient souscrits au début de la
grande opération de l'Assemblée constituante, pour
en assurer le succès, était très avancée à la fin de
1792, et l'on estimait que le total des biens vendus
atteignait 23.811.188 francs, tandis que ceux
restant à vendre ne représentaient que 4.462.155
francs. Fontenay, Les Sables, La Châtaigneraie,
Luçon, pouvaient alors dresser le compte des primes
qui leur avaient été attribuées par la loi, et en
réclamer le solde.
Pendant qu'on envoyait aux hôtels des monnaies
l'argenterie des maisons religieuses et les cloches
jugées inutiles par les Conseils généraux des
communes, en exécution de la loi du 22 avril 1792,
l'administration départementale se trouvait dans
l'impossibilité absolue de faire payer la
contribution mobilière, reconnue exorbitante, et
même d'en établir les rôles.
Le
Conseil général continuant à siéger en permanence au
mois de janvier, employait de nombreuses séances à
fixer, article par article, les sommes nécessaires
pour couvrir les dépenses de l'administration
centrale et de celles de chaque district, pendant
que la Convention jugeait Louis XVI.
Les
votes des députés vendéens produisirent dans les
campagnes l'impression la plus défavorable et furent
l'occasion de nouveaux troubles dans les régions du
nord de la Vendée.
Voici
comment, d'après le procès-verbal officiel de la
séance du mercredi 16 janvier 1793, ces votes furent
motivés.
J.-F. GOUPILLEAU. -
Avant d'infliger une peine à Louis, il faut que je
le déclare coupable. Comme je ne fais que d'arriver
de l'armée du Var, je n'ai pas encore opiné sur la
première question. Je le déclare atteint et
convaincu de conspiration contre l'État. Sur la
seconde question j'ai consulté mes pouvoirs, j'ai vu
que non seulement nous avons le droit, mais que nous
avons le devoir de juger Louis sans appel, puisque
nos commettants nous ont déclaré qu'ils nous
donnaient plein pouvoir pour sauver la liberté.
Quant à la peine à infliger, j'ouvre le livre de la
nature, le guide le plus certain, j'y vois que la
loi doit être la même pour tous ; j'ouvre le code
pénal, j'y vois la peine des conspirateurs ;
j'entends la voix de la liberté, la voix des
victimes du tyran dont le sang arrose les plaines de
tous nos départements frontières : toutes me
demandent justice, je la leur dois ; je vote pour la
mort. J'ajoute que je ne crois pas qu'il soit
proposable de différer l'exécution ; autrement Louis
subirait la mort autant de fois que le bruit des
verrous de sa prison viendrait frapper ses oreilles
et vous n'avez pas le droit d'aggraver son supplice.
P.-C. GOUPILLEAU. -
Je vote pour la mort.
GAUDIN. -
Je ne puis encore me persuader que le
peuple français nous ait délégué le despotisme,
c'est-à-dire la faculté de faire la loi et de
l'appliquer. Quand j'en serais convaincu, la
violation de toutes les formes m'empêcherait
d'appliquer pour ce qui serait fatal seulement à
l'accusé, la lettre de la loi. Je vote pour une
mesure de sûreté générale, puisque je suis
législateur ; c'est pour la détention pendant la
guerre et l'exil à la paix.
MAIGNEN. -
Je vote pour la mort.
FAYAU. -
Je ne vois dans cet affaire que Louis
Capet, qu'un homme coupable, qu'un conspirateur. Je
vote pour la peine de mort.
MUSSET. -
La peine de mort.
MORISSON. -
J'opinerais sur la question s'il s'agissait que de
prendre une mesure de sûreté générale : mais
l'Assemblée a décrété qu'etle porterait un jugement
et moi je ne crois pas que Louis soit justifiable.
Je m'abstiens donc de prononcer.
GIRARD. -
La réclusion et le bannissement.
GAROS. - La mort
(1).
La
nouvelle de la mort du roi ne fit qu'exciter la
fermentation déjà existante, fermentation augmentée
encore par la recherche des prêtres réfractaires et
des émigrés.
L'arrêté départemental du 1er février 1793,
généralisé par décret du 14 février, accordant « 100
livres de récompense à ceux qui dénonceraient ou
feraient arrêter une personne rangée dans la classe
des émigrés ou dans celle des prêtres qui devaient
être déportés » la suspension de plusieurs maires,
la formation « d'un comité de sûreté publique », la
loi du 1er mars 1793 déclarant les émigrés « morts
civilement, leurs biens définitivement acquis à la
république, et leurs successions « échues ou à
échoir pendant cinquante ans adjugées à l'état »
soulevèrent au plus haut point les passions déjà
surexcitées des anciens propriétaires.
D'un
autre côté les prêtres insermentés, errant à travers
les campagnes, se sentant recherchés de très près,
redoutant d'être pris un à un et déportés à la
Guyane, entretenaient par leur caractère respecté
l'exaltation des masses restées profondément
attachées à leurs pasteurs.
De
tous les districts parvenaient au chef-lieu les
nouvelles les plus inquiétantes : des révoltes
avaient éclaté dans les Mauges, à
Saint-Laurent-sur-Sèvre, à Saint-Jean-de-Monts (13
février), à la Caillère (24 février), à Landeronde
(28 février) , à Beaulieu-sous-la-Roche, le Girouard,
Sainte-Flaive (2 mars et 3 mars) (2).
Un
soulèvement général était à la merci du plus petit
événement imprévu ; la moindre étincelle pouvait
allumer un incendie ; la révolte était déjà dans
tous les cœurs, quand la loi des 20-24 février 1793,
prescrivant une levée de trois-cent-mille hommes mit
le feu aux poudres.
|
NOTES:
(1)
Documents communiqués par M. Angibaud, ancien Juge
de paix.
(2)
Dans le district de Montaigu, il avait été
impossible d'organiser la garde nationale. (Lettre
de Garo, procureur général syndic du département de
la Vendée au ministre de l'intérieur).
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